Cours de Philosophie : Entre hypocrisie et double langage


Communiqué

En novembre 2021, un groupe de travail rassemblant des parlementaires de la majorité (PS, MR, Ecolo) et de l’opposition (Les Engagés, Défi, PTB) a déposé un texte reprenant trois scénarios : a) la suppression pure et simple des cours dits « philosophiques » au bénéfice de deux heures d’ éducation à la philosophie et à la citoyenneté (EPC) ; b) deux heures d’EPC et, au choix, une heure d’EPC ou religion/morale. c) deux heures d’EPC pour tout le monde et une heure de religion/morale à titre optionnel. C’est ce troisième scénario qui est privilégié par le gouvernement. Mais, comme le rapporte le quotidien Le Soir du 14 février 2023, Mr. Georges-Louis Bouchez, président du mouvement réformateur (MR), « affirme que ce projet est d’abord celui du Parti socialiste et de sa ministre (de l’Education, NDLR) Caroline Désir ». Il exige le maintien dans la grille horaire d’une heure de religion ou de morale aux côtés des deux heures de cours de philo.

Nous assistons là à une imposture du MR. Imposture qui insulte les défenseurs – qu’ils soient croyants ou non – de la laïcité de l’École publique en particulier et plus largement de l’État.

Les laïques ne sont pas dupes des manœuvres du MR1. Le combat pour la Séparation des Églises et de l’État et de l’École publique n’a jamais été son souci depuis la fin de la Grande guerre.

Comment ne pas considérer comme imposture et hypocrisie les positions du MR qui se pose en héraut de la laïcité, pour ne citer que quelques exemples, lorsqu’il :

– s’insurge, à juste titre, contre le port de signes convictionnels par des agents de l’État dans l’exercice de leurs fonctions mais se tait lorsque le chef de l’État, des ministres s’encourent au Vatican pour baiser la main papale  ;

– au nom de la laïcité, veut interdire le port du burkini par des usagères de piscines publiques – ce qui n’a rien à voir avec la laïcité ;

– détourne les yeux sur la présence des crèches religieuses dans le domaine public ce qui remet en cause le principe de séparation des Églises et de l’État ;

– défend la reconnaissance et le financement public de certains cultes foulant aux pieds le principe du respect de la liberté de conscience et l’égalité de tous les citoyens ;

– etc…

Cet improbable défenseur de la laïcité, qu’est le MR, devrait d’abord s’engager à défendre l’arrêt du financement sur fonds publics des religions et réserver le financement public à la seule École publique. Au lieu de cela, le MR confisque la laïcité pour en faire une arme au service de sa politique électorale.

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Il est vrai que si les libres penseurs et les laïques revendiquent un enseignement égalitaire, c’est-à-dire le même pour tous les enfants, certains parmi eux oublient que le combat à mener est d’offrir un enseignement à tous, quelle que soit la situation financière et spirituelle des enfants.

Que des représentants religieux et de leurs organisations, que des parents demandent le droit d’élever leurs enfants dans leur religion c’est leur droit. Cependant, il est légitime de se demander de quel droit les parents peuvent engager ainsi leurs enfants ? Les enfants ne naîtraient-ils (et ne resteraient-ils) pas libres et égaux en droits ? L’estampille religieuse – symbolique ou physique – n’est-elle pas une atteinte au respect de la liberté absolue de conscience des enfants d’autant plus que ceux-ci n’ont pas le discernement nécessaire pour exercer leur libre arbitre ?

Le CLP-KVD tient à rappeler, à cette occasion, ses positions constantes reprises dans ses différents communiqués :

« – L’École publique et gratuite se doit d’être laïque car elle s’adresse à tous les élèves, sans aucune distinction. Elle se doit de l’être car sa finalité est fondamentalement de développer les connaissances et la conscience de chaque élève en dehors de toute tutelle, lui permettant ainsi d’exercer sa liberté de pensée, d’expression, de parole ;

Le CLP-KVD demande la fin de la religion à l’École publique. La religion ne doit être ni obligatoire, ni optionnelle, elle doit être reléguée dans la seule sphère privée. Elle n’a aucune place dans l’École publique.

Un cours de philosophie, discipline de la pensée critique, obligatoire pour tous les élèves dès l’école primaire, est sans aucun doute un des moyens, un des instruments pour permettre l’émancipation de chaque élève. Cependant le CLP-KVD ne peut qu’être inquiet que l’adjonction du terme « citoyenneté » à ce cours ne serve qu’à détourner l’enseignement de la philosophie à des fins d’embrigadement en lieu et place de celle de l’émancipation intellectuelle.

« L’école, c’est le lieu où l’on apprend ce que l’on ignore
pour pouvoir le moment venu se passer du maître. » 2

L’École publique n’a pas comme rôle le conditionnement moral, le formatage, l’embrigadement, fut-il baptisé de citoyen. Elle est là pour transmettre des connaissances et les méthodes d’appropriation de celles-ci, fondamentalement la démarche scientifique, concourants à la liberté de conscience et à la raison, afin de former des individus instruits et libres.

Le CLP-KVD réaffirme son exigence de suppression des cours de religion dans les écoles publiques et réclame en lieu et place un cours strictement cantonné à l’enseignement de la philosophie tout comme il réclame la restitution des fonds publics détournés par l’enseignement confessionnel et leur réaffectation à l’École Publique. »

Ni Dieu , ni maître

A bas la calotte

Fonds publics à la seule École Publique

Bruxelles, 15 février 2023

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1. Le MR n’est pas le seul parti à avoir un double langage lorsqu’il s’agit de laïcité.
2. Jacques Muglioni, Philosophie, École même combat. PUF, 1984