“L’étranger, c’est votre miroir qui le renvoie.” Léo Campion
Des agressions racistes survenues lors du match Anderlecht-Bruges ont révélé les mêmes dérobades et contorsions politiques et médiatiques que celles observées depuis 19 mois face aux atrocités que subissent les Palestinien·nes. Derrière des condamnations formelles et molles, ce sont les mêmes signaux de complaisance qui sont envoyés. A contrario, c’est la ratonnade politique et médiatique dès qu’un·e concitoyen·ne d’origine (réelle ou supposée) arabo-musulmane est soupçonné·e d’un délit, c’est à qui frappera le plus fort et le plus ignominieusement. Rien ne semble arrêter les nouveaux Torquemada.
Les images de ces violences sont choquantes : des groupes s’en prennent dans les rues à des personnes sans défense, dont l’apparence indique leur origine ou leur religion. Ces actes ne sont pas isolés, mais le fruit d’un climat de haine alimenté par des discours médiatiques et politiques qui stigmatisent, diabolisent les différences et attisent les tensions.
Une telle violence est injustifiable. Elle découle d’un discours haineux, d’une instrumentalisation de la peur et de la suspicion. Sa banalisation, encouragée par certains médias et responsables politiques, ne peut que conduire à un embrasement général. Les responsables politiques et médiatiques en portent la responsabilité historique. La classe dirigeante et ses relais ont souvent contribué à légitimer ou à minimiser ces formes de haine, en utilisant un langage stigmatisant ou en relayant des stéréotypes dangereux. Nous notons que quand des violences sont perpétrées par des citoyens au profil « exotique » on parle d’ « ensauvagement », on les traite de racailles ! Pour les gens du « cru », on se contente du terme « hooliganisme ». Or, dimanche dernier, les « supporters » ne s’en sont pas pris à d’autres supporters. Ce sont donc bien des ratonnades et non du hooliganisme.
Il est crucial de rappeler que, même si l’histoire ne se répète pas à l’identique, les formes d’exclusion et de violence empruntent souvent des chemins similaires en période de crise. Les violences contre les populations d’origine (réelle ou supposée) arabo-musulmane, comme les ratonnades qui ont suivi ce match, s’inscrivent dans une longue tradition de rejet de l’autre et de la barbarie.
L’étranger – ici le musulman – est souvent présenté comme un bouc émissaire commode. Il est régulièrement accusé d’être responsable des difficultés de nos sociétés, notamment dans les débats sur la neutralité de l’État. Si hier la figure de l’Arabe « voleur, fourbe et violeur » dominait l’imaginaire collectif, aujourd’hui, ce sont le musulman et l’ »islamo-gauchiste » qui sont désignés comme le nouvel ennemi intérieur. Ils remplacent le Juif et le « judéo-bolchevique » d’il y a un siècle. Mêmes mécanismes de stigmatisation et d’axe accusatoire.
Par ailleurs, certains termes sont détournés ou manipulés pour alimenter la haine et l’exclusion. Le mot « communautarisme », par exemple, est souvent utilisé de manière abusive pour stigmatiser tout groupe ou organisation qui revendique une identité spécifique liée à une communauté. La réalité se trouve inversée : ce n’est pas l’affirmation d’une identité liée à une communauté qui engendre le rejet des autres, par ce groupe, mais plutôt l’usage de ce terme de communautarisme pour désigner cette communauté qui a pour effet de rejeter la responsabilité de l’ostracisme sur ceux qui défendent ou revendiquent leur différence. De même, la « laïcité » est instrumentalisée comme une arme contre les musulmans, servant à justifier des lois, des politiques ou des discours visant à exclure ou marginaliser cette communauté, sous couvert de défendre la neutralité de l’État. Ces manipulations dénaturent le sens véritable de ces concepts, qui devraient incarner des principes d’égalité, de respect mutuel et de liberté.
Les discours qui prétendent que l’islam serait incompatible avec la démocratie, ou qui diabolisent une religion entière comme une menace, alimentent cette spirale de haine. Certains responsables politiques, comme T. Francken, G. L. Bouchez, C. Rousseau etc. appellent à une « lutte » contre l’islamisme, employant des termes qui rappellent les heures les plus sombres de l’histoire. Comment ne pas partager ce que dit l’Union Juive Française pour la Paix : « L’atmosphère empoisonnée d’aujourd’hui peut permettre de comprendre ce qui a dû se passer en France et en Allemagne pendant les années 1930. Comment une société entière a pu être petit à petit contaminée par des discours politiques et la presse antijuive, pour se retrouver embrigadée dans une croisade exterminatrice. »2
Il est essentiel de dénoncer et de condamner ces discours qui, sous prétexte de défendre la laïcité, instrumentalisent la peur pour justifier des actes de violence et des politiques liberticides. La laïcité doit être un principe d’égalité, et non un outil pour stigmatiser une religion ou une communauté. La laïcité n’est ni une religion civile qui s’opposerait aux autres croyances, ni un instrument de persécution contre quiconque.
Face à cette situation, nous, libres penseurs, laïques, démocrates et militants ouvriers, affirmons que, face aux pressions du pouvoir – quel qu’il soit – notre conscience et nos idées doivent primer. Nous choisirons toujours notre conscience, quitte à être des révoltés, ceux qui disent « Non », comme le rappelait Albert Camus. C’est la conscience et la justice qui doivent guider nos actions, et non la peur ou la haine. Entre Humanisme et racisme, nous avons choisi : l’Humanisme !■
9 mai 2025
Prairial CCXXXIII
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1. « Une ratonnade est une violence physique exercée à l’encontre d’une minorité ethnique ou d’un groupe social, initialement à l’encontre de personnes d’origine arabe en France. » Wikipédia
2. De l’art d’utiliser le fanatisme religieux pour légitimer le racisme d’État
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