« Quelle connerie la guerre » : La chanson de Craonne


 

La Chanson de Craonne est un des poignants témoignages qui exprime le dégoût de la guerre et le rejet d’aller mourir pour défendre les intérêts de la bourgeoisie par des soldats français pendant les boucheries de la Grande Guerre.

Le 16 avril 1917, le général Nivelle lance ses troupes à l’assaut du plateau de Californie, tout près du village de Craonne, en ruine depuis 1914. Près de 150 000 morts en quelques jours. Nivelle est limogé. Les poilus des régiments envoyés à l’assaut au Chemin des Dames mettent « la crosse en l’air ». La Chanson de Craonne est alors sur toutes les lèvres, avec son dernier refrain :

« Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront/ Car c’est pour eux qu’on crève/ Mais c’est fini, car les troufions/ Vont tous se mettre en grève. »

Ces mutineries de l’été 1917 seront lourdement réprimées par Pétain le fusilleur : plus de 500 condamnations à mort, une soixantaine de fusillés pour l’exemple… Paul Vaillant, dans La Guerre des soldats (1919), journaliste fait connaître cet air au grand public. La chanson restera interdite jusque dans les années 1974 et à nouveau censurée en 2016.

Paroles :

Quand au bout d’huit jours, le r’pos terminé,
On va r’prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c’est bien fini, on en a assez,
Personn’ ne veut plus marcher,
Et le cœur bien gros, comm’ dans un sanglot
On dit adieu aux civ’lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s’en va là haut en baissant la tête.
Refrain
Adieu la vie, adieu l’amour,
Adieu toutes les femmes.
C’est bien fini, c’est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C’est à Craonne, sur le plateau,
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C’est nous les sacrifiés !

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l’espérance
Que ce soir viendra la r’lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu’un qui s’avance,
C’est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l’ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes

C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c’est pas la mêm’ chose.
Au lieu de s’cacher, tous ces embusqués,
F’raient mieux d’monter aux tranchées
Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien,
Nous autr’s, les pauvr’s purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr’ les biens de ces messieurs-là.

Refrain
Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront,
Car c’est pour eux qu’on crève.
Mais c’est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l’plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !