Gestion de l’islam : un néo-gallicanisme ?


par Jean Philippe Schreiber

Vincent Van Quickenborne

Le ministre de la Justice, en charge des cultes, a retiré à l’actuel Exécutif des Musulmans de Belgique sa reconnaissance par l’État. Je ne connais pas les motivations du ministre, ni sa stratégie en la matière, s’il en a une. En revanche, je constate un acharnement à l’égard de l’organe représentatif du culte musulman ; des demandes à son endroit qui ne sont pas exigées des autres cultes, notamment en matière de féminisation ; ou le reproche d’être inféodé à des pays étrangers, alors que ce sont les autorités belges elles-mêmes qui ont institué cet organe représentatif sur une base ethnique et l’ont placé sous la férule du Maroc et de la Turquie. Tout cela quoi que l’on puisse par ailleurs penser de cet Exécutif, de sa composition, de sa prétention fallacieuse à représenter toutes les formes d’islam en Belgique, ou de son incapacité à fonctionner de manière transparente. Deux constats, donc… Premièrement, l’État belge constamment viole le principe de séparation entre l’État et les cultes que la Constitution prescrit. Cette violation est permanente, depuis que les pouvoirs publics se sont immiscés dans le processus de mise sur pied d’un Exécutif des Musulmans il y a plus de vingt ans, et trouve sa pleine expression aujourd’hui. Car en effet il n’appartient pas au ministre d’apprécier si l’organisation de l’islam en Belgique est « transparente », « inclusive » ou « pluraliste », tout comme il ne lui appartient pas d’amener qui que ce soit à démissionner de cet organe, ainsi qu’un tribunal l’a rappelé au ministre récemment. Exige-t-on de la Conférence des Évêques ou du Consistoire israélite qu’ils soient paritaires, transparents, inclusifs ou pluralistes ? Non, bien évidemment… Second constat, c’est que comme le rappelle Caroline Sägesser dans les colonnes du journal « Le Soir », le régime belge des cultes n’est depuis longtemps plus adapté aux réalités d’une société plurielle et multiconfessionnelle. Ce qui conduit au mieux à des discriminations patentes, au pire au mépris du texte constitutionnel. Tout le monde ou presque est d’accord pour dire que ce système doit évoluer : pour les uns, la panacée viendra d’une régionalisation du régime des cultes ; pour d’autres de l’adaptation de ce système aux réalités convictionnelles de la Belgique aujourd’hui. N’y allons pas par quatre chemins : toute évolution allant dans l’un ou l’autre de ces deux sens ne fera que complexifier un système déjà outrancièrement complexe, le rendra encore plus illisible qu’aujourd’hui et conduira à des situations ubuesques, à l’instar de l’actuelle affaire de l’Exécutif musulman. À une époque où les religions sont devenues minoritaires et où la majorité des Belges est devenue incroyante, à une époque où des pays européens montrent que toutes les religions peuvent s’épanouir librement sans devoir bénéficier du soutien des pouvoirs publics, encore moins de leur immixtion, à une époque où chauffer des églises vides et payer des ministres du culte à ne rien faire paraît un luxe dépassé…, la seule évolution raisonnable serait de mettre fin au financement public des cultes et au cours de religion à l’école publique. En conséquence, les pouvoirs publics n’auraient plus besoin d’organes représentatifs des cultes comme interlocuteurs, et cesseraient de s’ingérer dans les affaires internes des religions, au mépris du régime constitutionnel de séparation. Si les décisions du ministre en charge des cultes sont motivées par son militantisme laïque, comme certains le laissent entendre, il vaudrait sans doute mieux qu’il formule clairement cet objectif-là plutôt que de sans cesse stigmatiser le culte musulman…

La vie au temps de la chose – page facebook de l’auteur -. dimanche 18 septembre

Le titre et l’illustration sont du CLP-KVD