Note de lecture : « De la destruction comme élément de l’histoire naturelle »


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A l’heure où l’on commémore l’anéantissement d’Hiroshima, de Nagasaki, où l’on bombarde la Palestine, l’Ukraine, le Yemen… sans discernement, au plus grand mépris des populations innocentes, (re)lire le livre de W.G. Sebald est d’une grande importance.

Les bombardements des villes allemandes décrits par G.W. Sebald.

G. W. Sebald est un grand écrivain allemand né en 1944. En 1997, alors qu’il habite et exerce, depuis vingt ans, son métier d’enseignant de littérature en Angleterre, l’université de Zurich l’invite pour des conférences sur les bombardements alliés qui ont détruit des dizaines de villes allemandes entre 1942 et 1944.

Deux ans après, en 1999, Sebald décide de les faire éditer sous le titre Guerre aérienne et littérature1. La description des bombardements est insoutenable. Bien sûr, c’est la guerre, et la guerre est insoutenable. Mais Sebald montre que le but de ces bombardements n’est pas militaire. Ce sont des opérations dirigées contre les civils. Il s’agit d’anéantir le peuple allemand.

C’est ainsi qu’il décrit le bombardement de Hambourg (opération intitulée « Gomorrha » par l’état-major allié). « Au cours du raid qui eut lieu dans la nuit du 28 juillet (1943) et débuta à une heure du matin, dix mille tonnes de bombes explosives et incendiaires furent larguées sur la zone urbaine densément peuplée de la rive Est de l’Elbe (…). Personne ne sait au juste combien périrent au cours de cette nuit ni combien perdirent la raison avant que la mort les saisisse » (page 36).

Sebald ne fait pas seulement œuvre de mémoire. Il s’interroge sur le peu de références dans la littérature allemande. Comme si la mémoire était bloquée. « La raison de cette absence de débat est sans doute, écrit Sebald, qu’un peuple qui avait assassiné et exploité jusqu’à la mort des millions d’hommes était dans l’impossibilité d’exiger des puissances victorieuses qu’elles rendent des comptes sur la logique d’une politique militaire ayant dicté l’éradication des villes allemandes. ».

A lire absolument.

N. B.

1Edité par Babel sous le titre de : « De la destruction comme élément de l’histoire naturelle ». 160 pages, 7,30€