Sortir du trou noir de la laïcité philosophique !


Communiqué

Bruxelles, 15 juin 2021

Notre association (Cercle de libre Pensée – Kring voor het Vrije Denken) a pour principe d’alterner les moments de réflexion, d’examen et les moments d’engagement et de prise de parole. Certains de nos observateurs, de nos sympathisants sont quelquefois surpris de nos prises de positions, d’autres de nos réserves.

Ainsi, dans la fièvre du débat qui a suivi l’ordonnance du tribunal du travail condamnant la STIB pour discrimination à l’embauche d’une postulante portant le voile, d’aucun voudrait nous entraîner pour que nos propos se transforment en appel à nous positionner pour telle ou telle chapelle. Nous ne le ferons pas. Nous sommes une association indépendante financièrement et politiquement.

II est nécessaire de dépasser l’émotionnel pour replacer les choses dans le registre du rationnel. En effet, à y regarder d’un peu plus près, la polémique, le débat, ne sont-ils pas là pour occulter les vraies questions que soulève l’ordonnance du tribunal ?

Par exemples,

– On a assisté et l’on assiste encore à des glissements sémantiques pervers, avec équivalence établie entre service public et « mission » de service public. Quand le service public assumait sa propre mission, les dispositions statutaires étaient claires. Avec la notion de « »mission » de service public, puis, dans la foulée, de « mission d’intérêt général » cela devient pernicieux.

Avant cette confusion sémantique, il n’y avait aucune équivoque possible. Une frontière très nette séparait le public du privé. Par exemple et pour sa part, le CLP-KVD estime qu’autant, un représentant des pouvoirs publics es-qualité (un ministre, un fonctionnaire, un agent d’un service public) est tenu à une discrétion vestimentaire qui ne doit pas laisser transparaître ses opinions, autant un élu est libre de s’habiller comme il le veut. La laïcité est ce qui garantit la neutralité des services publics. Elle protège l’usager de toute discrimination mais également le fonctionnaire de toute pression!

La laïcité ne s’applique qu’à la sphère publique. Cependant, à vouloir appliquer la laïcité partout, on ne l’applique plus nulle part. Les mêmes principes appliqués aux « services publics » et aux « services d’intérêt général » conduisent à détruire la laïcité. Comment comprendre ces tenants de la laïcité qui ne revendiquent pas à la renationalisation des services et entreprises qui relevaient du secteur public ?

– Défendre la laïcité et se mobiliser pour sa concrétisation est effectivement indispensable et représente une exigence première si l’on veut assurer la liberté absolue de conscience. On ne peut être que ravi de voir tous ces partis et organisations défendre la laïcité, mais très inquiet quand à la définition qu’ils en donnent ou qu’ils lui en font donner.

En confondant volontairement la sphère publique et la sphère privée, les tenants de la « laïcité ouverte », de la « neutralité inclusive » les cléricaux de tous bords qui courent après l’électorat catholique, musulman… menacent la concorde civile en dressant les citoyens les uns contre les autres. Il convient alors de revenir sur le champ d’application du principe qu’est la Séparation des Églises et de l’État, sur sa colonne vertébrale qu’est la liberté absolue de conscience.

Le CLP-KVD considère que le principe de Séparation des Églises et de l’État repose sur deux principes indissociables :

– la Séparation de la sphère publique (où la stricte neutralité des agents qui contribuent à l’exécution d’un service public s’impose) de la sphère privée (où s’exerce la liberté absolue de conscience des individus).

– le non-financement des cultes et des écoles privées par des fonds publics.

Être laïque, c’est reconnaître que l’État assure en même temps la liberté absolue de conscience – croyant et non croyant – et le libre exercice des cultes.

Être laïque, c’est affirmer que l’État ne doit reconnaître, ni salarier ou subventionner aucun culte. Par conséquent l’État n’a pas à trancher parmi les cultes, il n’a à juger personne selon ses croyances ou ses appartenances présumées. Il doit demeurer indifférent dans la seule limite du respect de l’ordre public et des lois communes. Ses représentants doivent conserver une stricte neutralité dans leurs fonctions. Il accorde à l’École publique la mission d’instruire, et accorder par conséquent à elle seule les fonds nécessaires à sa mission.

Nous, militants de la libre pensée, militants laïques, sommes convaincus qu’une majorité de citoyens sont attachés à la laïcité institutionnelle et ce en dépit des reniements successifs des dirigeants des organisations qui se réclament historiquement de la laïcité. Nous appelons à la constitution d’un front autour des fondements de la laïcité institutionnelle.

La laïcité n’est ni une police de la pensée, ni une option philosophique parmi d’autres valeurs particulières. Elle est une « condition de possibilité fondamentale de la vie publique1 ».

Bruxelles, 15 juin 2021

1 Henri Pena-Ruiz, Qu’est-ce que la laïcité ? Gallimard, 2003

 

 

 

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