Pour Condorcet, le progrès ne peut se mettre en place sans qu’une priorité soit donnée à l’instruction générale des citoyennes et citoyens, d’où ses réflexions, très en avance sur son temps, sur la création d’une Ecole Publique, Laïque et Gratuite.
« On dit : il faut une religion au commun des hommes. Si ces mots ont un sens, s’ils ne sont pas une insulte à la raison et à l’espèce humaine, ils signifient que la croyance à un Être suprême et les sentiments religieux qui nous portent vers lui sont utiles à la morale. Or, en supposant cette opinion fondée, il en résulte qu’il faut également se garder, et de faire enseigner une religion particulière, et de salarier un culte ; car, dans cette hypothèse, ce qui est utile, c’est précisément ce qui est commun à toutes les religions et à tous les cultes.
Il en résulterait que toute religion particulière est mauvaise, parce qu’elle dirige nécessairement vers un but qui lui est propre, et si elle a des prêtres, vers l’intérêt de ses prêtres ses mêmes sentiments religieux qu’on suppose nécessaire à la morale.
De quelque opinion que l’on soit sur l’existence d’une cause première, sur l’influence des sentiments religieux, on ne peut soutenir qu’il soit utile d’enseigner la mythologie d’une religion, sans dire qu’il peut être utile de tromper les hommes ; car, si vous Romain, vous voulez enseigner votre religion, d’après ce principe, un mahométan doit, pour la même raison, vouloir faire enseigner la sienne.
Direz-vous : La mienne est la seule vraie ? Non, car la puissance publique ne peut être juge de la vérité d’une religion.
Ainsi, en supposant même qu’il soit utile que les hommes aient besoin d’une religion, les soins, les dépenses qui auraient pour objet de lui en donner une sont une tyrannie exercée sur les opinions, et aussi contraire à la politique qu’à la morale.
Cette proscription doit s’étendre même sur ce qu’on appelle religion naturelle : car les philosophes théistes ne sont pas plus d’accord que les théologiens sur l’idée de Dieu, et sur ses rapports moraux avec les hommes. C’est donc un objet qui doit être laissé sans aucune influence étrangère à la raison et à la conscience de chaque individu. »
Œuvres de Condorcet, Volume 7, pages 485-486
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