Il y a 141 ans… le boycott est inventé


Le terme « boycott », aujourd’hui utilisé mondialement pour désigner une opposition collective à une personne, une organisation ou une mesure injuste, puise ses racines dans l’histoire d’un homme : Charles Cunningham Boycott. Cet administrateur britannique, dont le nom est devenu synonyme de résistance pacifique, a marqué l’Histoire à la fin du XIXe siècle en Irlande.

En 1880, Charles Boycott, ancien capitaine de l’armée anglaise devenu agent immobilier pour Lord Erne, un riche propriétaire terrien, gère des terres dans le comté de Mayo. Face à des récoltes désastreuses, les paysans irlandais réclament une baisse de 25 % de leurs loyers, soutenus par le leader indépendantiste Charles Parnell. Lord Erne n’accepte qu’une réduction de 10 %, et Boycott commence à expulser les locataires insolvables. En réponse, la communauté locale orchestre une protestation non violente mais radicale : isolement total, refus de travailler pour lui, boycott commercial et coupure de toute communication. Ses récoltes pourrissent faute de main-d’œuvre, et sa sécurité nécessite même la protection de milliers de soldats britanniques, comme le rapporte « Le Figaro » en novembre 1880.

Le correspondant du quotidien français décrit avec emphase le « courage » de Boycott : « Il y a dans ce moment, à Ballinrobe, petite ville du comté de Mayo, en Irlande, à peu près sept mille hommes de troupes – infanterie, cavalerie et police régulière – qui n’ont d’autre mission que celle de protéger un seul homme, le capitaine Boycott, lequel depuis longtemps tient courageusement tête à la Ligue agraire », tout en critiquant les paysans irlandais, qualifiés de « paresseux et ivrognes » : « Si dans l’ouest de l’Irlande, c’est-à-dire dans cette partie du pays où règnent la paresse, l’ivrognerie et la malpropreté à un degré unique dans le monde entier, M. Parnell est tout-puissant, dans le nord où l’Irlandais travaille et paye ses loyers, on s’est ému de la situation du capitaine Boycott. Là, une ligue s’est formée pour lui venir en aide et cinq cents volontaires armés et équipés se sont offerts pour rentrer les moissons qui pourrissaient sur pied. ».

Cet épisode, surnommé « l’incident Boycott », popularise le nom de l’administrateur. La stratégie d’exclusion sociale devient un modèle, et le terme « boycott » est entré rapidement dans le dictionnaire anglais, puis dans d’autres langues.

Des héritiers historiques

Si l’action contre Boycott est la première à donner son nom à cette pratique, d’autres mouvements antérieurs ou postérieurs ont marqué l’Histoire. Dès 1830, aux États-Unis, la National Negro Convention boycotte les produits issus de l’esclavage. Mais le plus célèbre reste le boycott des bus de Montgomery (1955), mené par Martin Luther King Jr. après l’arrestation de Rosa Parks. En 20 jours, cette mobilisation pacifique contribue à faire abolir la ségrégation raciale dans les transports américains.

Aujourd’hui, le boycott est toujours d’actualité, notamment à travers le mouvement BDS (Boycott Désinvestissement, Sanctions) contre Israël. Ce mouvement, inspiré par les luttes contre l’apartheid en Afrique du Sud, appelle au boycott économique, culturel et académique d’Israël en raison de sa politique coloniale, d’apartheid et génocidaire envers les Palestiniens.

_____________________

Sources : Le Figaro, BBC, Wikipedia Le petit journal