Giordano Bruno. L’autorité ultime : sa propre raison !


Le destin de Giordano Bruno qui a refusé de renier sa dignité d’être pensant a valeur de symbole.

Si l’on pensait que les procès en hérésie faisait partie d’un passé à jamais révolu, l’histoire de ces dernières décennies se charge de nous en apporter un cruel démenti. S’ils ne brûlent plus en place publique les pionniers du droit de savoir, des pouvoirs adossés ou non à une religion, contraignent des penseurs à choisir entre le reniement de leurs idées, l’abandon de leurs travaux, entravent l’expression d’une pensée académique libre.

Le 17 février 1600, sur le Campo dei Fiori (place des Fleurs !), au cœur de Rome, l’Église allumait un bûcher où allait périr Giordano Bruno le « philosophe-troubadour de l’infini », l’un des esprits les plus brillants de son époque.

Pour comble de cruauté, il est mort la langue entravée par un mors de bois : même à ce moment là, sa parole faisait peur. Il l’avait dit lui-même à ses juges : « Vous portez contre moi une sentence avec peut-être plus de crainte que moi qui la reçois. ». Comme on lui présentait un crucifix, il en a détourné les yeux et les a levés vers le ciel. Pour montrer l’importance qu’elle donnait à cette exécution, l’Église catholique accorda des indulgences aux personnes qui assistèrent à l’exécution.

L’Inquisition l’a emprisonné et condamné à être brûlé vif, non seulement à cause de ses conceptions cosmologiques (pluralité infinies de mondes), mais aussi en tant qu’apostat et blasphémateur (son refus de reconnaître les dogmes de la Trinité et de la divinité du Christ…).

Bruno a remis en cause la théorie d’Aristote sur l’immobilité de la Terre, mais surtout prenant appui sur les travaux de Copernic qui prônent l’héliocentrisme, il énonce que l’Univers est illimité, qu’il na pas de centre, où chaque étoile est comparable au Soleil avec un cortège de planètes « qui peuvent abriter d’autres créatures à l’image de Dieu ». Il a aussi a remis en cause la personne du Christ, en le présentant comme un faiseur de faux miracles, le dogme de la Trinité, le culte de Marie. Blasphèmes considérés comme des crimes à son époque et que certains rêvent de rétablir aujourd’hui.

En février 1576, il doit fuir une instruction ouverte à son encontre pour hérésie. Dès lors, la vie de Giordano Bruno, au gré des menaces et des persécutions qu’il subit, devient une vie d’errance à travers l’Europe. Fuite incessante, jusqu’à ce que un certain Mocenigo le dénonce à l’Inquisition vénitienne en 1592. Suivront 8 années de procès, dans une prison, d’où il ne sortira plus jamais. Alors qu’il était en passe d’être libéré, c’est la Curie romaine qui le rattrape, le fait extrader et l’enferme dans les geôles vaticanes. Durant les sept nouvelles années de procès, instruit par le cardinal Robert Bellarmin – le même qui instruira le procès de Copernic en 1616 – d’autres accusations vont s’ajouter aux précédentes.

Le cardinal Bellarmin demande à Bruno d’abjurer des propositions hérétiques. Bruno refuse de signer le document. Il adresse directement au pape un mémoire dans lequel il conteste les propositions censurées. Le 21 décembre 1599 il affirme : « Je ne crains rien et je ne rétracte rien, il n’y a rien à rétracter et je ne sais pas ce que j’aurais à rétracter. ».

Cette récusation de l’autorité du Tribunal de l’Inquisition est un véritable affront pour l’Église. Cette soustraction, est bien plus dangereuse pour l’Eglise car elle met à bas l’échafaudage sur lequel l’Inquisition, toutes les Inquisitions, hier comme aujourd’hui, bâtissent leur autorité.

En canonisant en 1930 le cardinal Bellarmin, Pie XI a entériné le jugement. Il proclamait saint le fanatisme religieux, alors que surgissaient au même moment les plus hideux des fanatismes politiques : le nazisme et le fascisme.