Billet d’humeur : La guerre à la télé et la guerre vue par les soldats appelés


Vous êtes excédés par l’indigence de l’information qui confine à l’indécence, de voir des « experts autoproclamés » jouir du « retour des guerres de haute intensité en Europe », d’entendre les chiens de garde à la botte vanter les drones-tueurs, les missiles perfectionnés, pour déchiqueter plus efficacement les populations ? Vous êtes excédés d’absorber le catéchisme déversé les média, même pas avec des nuances, quelque chose qui rendrait ça supportable, d’être privés d’éléments majeurs de compréhension des réalités sociales et politiques…

Prenez le temps d’écouter, de la bouche des soldats, octogénaires meurtris, les derniers grands exploits du militarisme français, en Algérie (1).

« J’avais vingt ans, j’étais tout neuf, tout beau, j’avais mes copains, mes copines, et j’étais amoureux ! D’un seul coup, on me balance là-bas, je reviens, je suis… une saloperie. Un type qui a tiré sur un homme. On vous félicite, mais ça chamboule un homme de savoir qu’on a les mains rouges, ça laisse des traces. » « Les pauvres gens, dans leurs villages, étaient complices avec les rebelles, c’était normal : qu’ont fait nos parents pendant l’occupation allemande ? » « Se conduire comme les gestap’ ? J’ai pensé à ceux de la Résistance qu’on mettait dans les baignoires, on les appelait aussi terroristes. » « L’armée, c’était pas la bonne école, c’était l’école du crime. Certains se vantaient d’avoir violé des petites filles en Indochine. Ça ne fait pas des hommes, ça fait des crapules. » « Toute cette époque nous a littéralement broyés. » « On voyait une grande misère. 7 % de la population était scolarisée en 1954. C’est pas brillant ce qu’on a fait en Algérie. » « Le pire, c’est le pouvoir que vous donne l’État, c’est là où la politique a toute sa place, et la morale aussi. »

Ce documentaire montre comment à l’époque : tordre le réel, mensonges et bourrage de crâne faisaient office d’informations. Comme aujourd’hui.

G. Taram

(1) Les Appelés de la guerre d’Algérie : un si long silence, de Bernard George et Vincent Sacripanti, 2022. Diffusion sur la chaîne Toute l’histoire, les 2, 3, 4, 6 et 7 juin.