Le pape rend hommage au cardinal qui a présidé une Église qui a abusé d’un tiers de million d’enfants victimes.


Par Keith Porteous WOOD

Lors d’un événement à Assise, en Italie, le pape a fait l’éloge du cardinal français Barbarin dans une remarque apparemment improvisée. Il l’a remercié pour son témoignage qui construit l’Église, pour la façon dont il a fait face aux vicissitudes subies en raison des accusations de dissimulation d’abus. “Il est parmi les pauvres. Lui aussi a fait l’expérience de la pauvreté avec dignité. L’abandon, la méfiance, et il s’est défendu avec le silence et la prière.”

Le pape faisait référence à la condamnation de Barbarin en 2018 pour n’avoir pas signalé de multiples abus sur des mineurs, dont il avait connaissance. Ceci est requis par la loi française depuis 2000. Après la condamnation de Barbarin, il a publié une déclaration indiquant qu’il acceptait la responsabilité. La condamnation a été annulée par des tribunaux supérieurs, bien qu’il n’ait jamais été affirmé au tribunal qu’il n’était pas au courant des abus commis par le prêtre. La défense invoquait le fait que l’obligation de signaler les abus passait à la victime lorsqu’elle atteignait l’âge adulte. La plupart ne le font pas avant des décennies, voire jamais.

L’agresseur était le prêtre et chef scout Bernard Preynat. Lorsqu’il a été reconnu coupable et condamné à la prison, le tribunal a appris qu’il avait abusé de 3 000 à 4 000 scouts pendant plusieurs décennies. Les deux prédécesseurs de Barbarin, qui étaient également les ecclésiastiques les plus hauts placés en France, étaient également au courant de ces abus. Preynat n’a été défroqué que récemment, après les protestations qui ont suivi sa reconnaissance des abus.

Le commentaire du pape François doit également être considéré dans le contexte du tiers d’un million d’enfants victimes d’abus (et donc vraisemblablement d’environ un million d’abus) dans l’Église française depuis 1950, l’Église que Son Excellence le cardinal Barbarin, archevêque émérite de Lyon, a dirigée pendant près de vingt ans.

La réputation de la justice française a également été fortement ternie. Outre l’extraordinaire acquittement de Barbarin, 25 évêques ont été accusés de ne pas avoir signalé des abus, mais aucune mesure n’a été prise. Bien que Preynat ait été condamné, il s’est inexplicablement échappé du tribunal et ne purgera jamais un jour de prison.

Le pape aurait difficilement pu signaler plus clairement son indifférence à l’égard de la souffrance des victimes d’abus de son Église et le fait que tout ce qui lui importe est la réputation de l’Église et de ses prélats. Il s’oppose farouchement à toute mesure efficace visant à mettre un terme à ces abus – notamment en exigeant que les auteurs soient traduits devant la justice civile – tout en autorisant, voire en encourageant, l’Église dans le monde entier à refuser aux victimes une indemnisation raisonnable qui les aiderait à améliorer leur vie, souvent gravement endommagée.

Keith Porteous Wood est président de la National Secular Society du Royaume-Uni et porte-parole de l’AILP
(Association Internationale de la Libre Pensée)

Pour en savoir plus : https://international.la-croix.com/news/religion/cardinal-philippe-barbarin-a-controversial-figure/9623