Adresse aux associations de Libre Pensée,
Athées, Humanistes, Laïques,
aux Obédiences Maçonniques et aux Organisations syndicales
Les 19 et 20 septembre 2020 se tiendra le 8e Congrès mondial de l’Association internationale de la Libre Pensée à Madrid (Espagne).
Nous avons l’honneur de vous inviter à y participer et à y intervenir pour présenter vos points de vue sur le thème central de ce Congrès : « Ecole laïque et laïcité de l’Enseignement ». Nous souhaiterions la présence du maximum de partisans de l’Ecole laïque pour nourrir une réflexion internationale sur cette question.
La question internationale a toujours été importante dans l’activité de la Libre Pensée sur tous les plans, sur tous les continents.
Le principe de Séparation des Eglises et de l’Etat et le principe de laïcité sont universels. En particulier, partout dans le monde, l’entière laïcité de l’École suppose la pleine Séparation de l’État et des religions, de même que la Séparation des Eglises et de l’Etat, pour être la condition essentielle de la démocratie, nécessite de former dans une Ecole à l’abri de toute influence dogmatique des citoyens libres, éclairés par la seule raison. C’est pour cela que, de tout temps, la Libre Pensée a été conçue comme une organisation internationale. Nous pensons que la laïcité est internationale dans son contenu et nationale dans sa forme.
Très rapidement, dès que les premières associations de Libre Pensée se constituent au XIXe siècle, elles se préoccupent des problèmes internationaux et ressentent le besoin de se regrouper au-delà des frontières pour agir ensemble (voir l’excellent ouvrage de Louis Couturier sur les Internationales de la Libre Pensée).
La Séparation des Eglises et de l’Etat, c’est-à-dire la séparation du temporel et du spirituel, ou comme le disait le libre penseur Victor Hugo « L’Église chez elle et l’État chez lui », est un principe très ancien, très ancien. On trouve des traces de séparation, de cette idée philosophique de Séparation des Eglises et de l’Etat, 4 000 ans avant la pseudo-existence de Jésus-Christ. On voit apparaître ce principe en Inde, où il y avait un nombre très important d’athées et de ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui des humanistes.
On voit apparaître dans la civilisation gréco-latine des penseurs qui théorisent cette question, comme Protagoras qui disait « L’homme est la mesure de toute chose ». Si l’homme est la mesure de toute chose, Dieu n’a donc aucune place et aucun intérêt. Par conséquent, ce principe de Séparation des Eglises et de l’Etat date d’une époque bien antérieure, puisqu’il met en fait l’homme au centre de sa destinée et que c’est lui, la mesure de toute chose. Il y aura bien évidemment des allées et venues, des allées et des déconvenues. Bien évidemment, contre ce principe qui place l’homme au centre de sa destinée, nous allons connaître un grand malheur : l’apparition du monothéisme.
A partir du moment où le pouvoir dit : « Il n’y a qu’un dieu, tu dois lui obéir, voici ce qu’il faut penser et faire », alors, débutent les problèmes des problèmes pour l’Humanité. On ne peut œuvrer à l’émancipation du genre humain sans lutter contre les religions, toutes les religions, qui n’ont comme seule fonction que de légitimer les oppressions et l’asservissement des peuples.
Cette idée de séparation est de tous temps, liée au combat des libres penseurs. Mais il n’est pas le seul, loin de là. Une autre idée forte est le combat pour l’Instruction publique, pour l’enseignement laïque. C’est le combat pour la pleine et entière liberté humaine.
En 1892, un congrès universel de la Libre Pensée se tenait à Madrid, le premier de cette importance, selon le rapport du Belge Léon Furnémont qui sera plus tard la cheville ouvrière du Congrès de Rome de 1904. Il était consacré à l’enseignement laïque et exigeait des pouvoirs publics qu’ils « établissent la laïcité dans tous les établissements de bienfaisance et d’instruction ».
C’est le combat en Italie, mené par Garibaldi, dans les meetings et à l’Assemblée, pour le suffrage universel, pour l’instruction laïque, gratuite et obligatoire, pour la démocratie. Louise Michel, l’héroïne de la Commune de Paris écrit dans ses Mémoires : « J’étais tout particulièrement concernée par la réforme de l’enseignement qu’entreprenait la Commune sur des bases très saines : respecter la conscience de l’enfant, en faire un citoyen responsable, capable d’aimer ses semblables, lui inspirer l’amour de la justice. »
En 1861, Benito Juarez, Président du Mexique, après son retour triomphal dans la ville de Mexico, décrète la loi « d’Instruction publique » qui réformait tous les niveaux de l’enseignement mexicain, le plaçant sous l’autorité fédérale, mettant fin par la même occasion à l’intervention des religions dans les écoles publiques.
En Argentine, Domingo Faustino Sarmiento, Président de l’Argentine de 1868 et 1874, se fit l’avocat infatigable de la rationalité et de l’Instruction publique — impliquant la scolarisation des enfants et la formation des femmes — et de la démocratie pour l’Amérique latine.
En Uruguay, Jose Pedro Varela, disciple de Sarmiento, fondateur de la Société des Amis de l’Education Populaire, publia en 1874 un premier livre « L ‘Education du peuple », puis en 1876 « Le législation scolaire ». Devenu Directeur de l’enseignement il mit en œuvre sa pensée et sa pratique avec la « loi de l’Education commune » le 24 août 1877 qui s’articule en quatre points :
-L’école primaire est gratuite et obligatoire de cinq à quinze ans ;
-L’éducation se fait principalement à l’aide des sciences et des nouvelles méthodes d’enseignement (elle ne se base plus sur la religion catholique) ;
-Les méthodes d’enseignement et les programmes scolaires sont communs à tout le pays ;
-Les cours sont dispensés par un corps enseignant qualifié, c’est-à-dire par des maîtres professionnels. L’apprentissage de la religion n’est plus obligatoire, mais facultative, enseignée dans les écoles, mais en dehors des cours.
En Equateur, la révolution menée par Eloy Alfaro, mit fin à l’Etat théocratique et amena également à la création des « campus laïques ».
En Espagne, l’« Institution Libre de l’Enseignement », a été fondée en 1876 par un groupe d’universitaires, parmi lesquels Francisco Giner de los Rios, « séparés » de l’Université centrale de Madrid, pour avoir défendu la liberté de professer et refuser d’adapter ses enseignements à tout dogme officiel en matière religieuse, politique ou moral. Par conséquent, ils ont dû poursuivre leur travail éducatif en dehors de l’État en créant un établissement d’enseignement privé laïque, qui a commencé, d’abord par l’enseignement universitaire, puis s’est étendu à l’enseignement primaire et secondaire.
Avec la création de l’ILE comme exemple « krausiste » évoqué plus haut, il s’agissait, en même temps qu’une proposition pédagogique, d’une tentative de renouveler les idées politiques depuis un point de vue du rationalisme et de la libre pensée, en rejetant les idées de changements violents, pour aller vers une société fondée sur la raison et la promotion de la liberté.
Avec l’arrivée de la Deuxième République en 1931, les idées de régénérer et de séculariser l’école, de la rendre universelle, unique, libre, laïque et égalitaire, deviendront une réalité, en essayant de mélanger les vieilles idées du libéralisme progressiste, les idées éducatives des mouvements ouvriers et de gauche et les thèses de la pédagogie moderne.
Le Concordat de 1851 est annulé. La laïcité de l’État et la liberté de conscience sont proclamées. La religion est interdite à l’école, ainsi que sa symbologie et les écoles à caractère religieux sont fermées.
Ferdinand Buisson, l’infatigable constructeur de l’enseignement public laïque en France expliquait : “Avant tout, il faudrait ruiner dans l’esprit de nos maîtres une certaine idée de la discipline, idée fausse qui les égare : c’est l’assimilation à quelque degré de la discipline scolaire à la discipline militaire. Une classe qui manœuvre avec la régularité ponctuelle d’un régiment, c’est un spectacle qu’il ne faut pas admirer.”… “Il n’y a pas de procédé automatique pour donner à un esprit l’habitude et le pouvoir de se diriger lui-même, pas plus qu’il n’y a de procédés mécaniques pour assurer l’éclosion de la fleur ou la croissance de l’être vivant. Il faut donc mettre au rang des idées les plus superficielles et les plus inexactes cet idéal d’une discipline inflexible et invariable, merveilleuse de régularité, de précision et de puissance, qui fonctionnerait comme une machine perfectionnée.”
Voici ce que disait Francisco Ferrer, libre penseur, libertaire, Franc-maçon, à propos de son enseignement : « Notre enseignement n’accepte ni les dogmes, ni les usages, car ce sont là des formes qui emprisonnent la vitalité mentale (…) Nous ne répandons que des solutions qui ont été démontrées par des faits, des théories ratifiées par la raison, et des vérités confirmées par des preuves certaines. L’objet de notre enseignement est que le cerveau de l’individu doit être l’instrument de sa volonté. Nous voulons que les vérités de la science brillent de leur propre éclat et illumine chaque intelligence, de sorte que, mises en pratique, elles puissent donner le bonheur à l’Humanité, sans exclusion pour personne par privilège odieux. »
C’est aussi ce que déclarait le Président d’Honneur de la Libre Pensée française Jean Rostand dans son discours de réception à l’Académie française, quand il s’apprête à occuper le fauteuil d’Edouard Herriot : « Dans l’enseignement qu’on distribuera aux jeunes citoyens, s’interdire toute pensée confessionnelle ou philosophique, former les esprits sans les conformer, les enrichir sans les endoctriner, les armer sans les enrôler, leur communiquer une force dont ils puissent faire leur force, les séduire au vrai pour les amener à leur propre vérité, leur donner le meilleur de soi sans attendre ce salaire qu’est la ressemblance : qui ne voit la difficulté de suivre à la rigueur un tel programme, mais en est-il un autre pour satisfaire une conscience ombrageuse, quant au respect des âmes ? »
Cette question de l’enseignement est donc consubstantielle à l’action des libres penseurs et des militants de la laïcité à travers le monde. C’est pourquoi, le Conseil international de l’AILP a décidé qu’elle tiendra un grand congrès international en septembre 2020 à Madrid pour traiter de cette question importante : « Ecole laïque et laïcité de l’Enseignement ».
Nous allons y inviter les libres penseurs, les laïques, les athées, les Humanistes, les syndicalistes, les Francs-Maçons et les enseignants du monde entier, tous ceux que cette question intéresse. Nous allons solliciter le concours de tous ceux qui souhaiteront s’exprimer sur cette problématique.
Nous voulons faire de ce congrès sur l’enseignement laïque, l’équivalent du Congrès de Rome de 1904 pour la Séparation des Eglises et de l’Etat. Notre ambition est grande, mais elle est nécessaire si nous voulons faire avancer les choses. Nous vous invitons à y venir et à le préparer avec nous.
Parmi les thèmes qui pourraient être abordés, nous suggérons (ce n’est nullement limitatif) de traiter notamment ceux-ci :
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Les Eglises contre la liberté de conscience dans l’enseignement
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Les concordats, instruments des privilèges des religions dans l’enseignement, le rôle des Congrégations
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La laïcité, c’est l’émancipation pleine et entière de l’enseignement
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Si l’idéologie dominante est toujours l’idéologie de la classe dominante, peut-on construire un enseignement libérateur sans émancipation sociale et économique ?
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Les expériences libératrices en Espagne (Francisco Ferrer et Révolution espagnole), en Russie soviétique, en France par La Commune de Paris et l’œuvre scolaire de la IIIe République, ailleurs
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Les projets d’Instruction publique initiés par la Révolution française
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Les pédagogies émancipatrices. L’élève : disciple ou dominé ? Le maître : dominateur ou éveilleur de conscience et dispensateur d’instruction ?
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L’école : lieu ouvert ou havre fermé ?
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Laïcité de l’Ecole : un modèle unique ou divers à travers le monde, les peuples et les cultures ?
Ce ne sont là que quelques pistes de réflexions.
Ensemble dans tous les pays, défendons la laïcité, là où elle est établie, et imposons-la, là où il faut établir la liberté de conscience.
Nous vous invitons à nous contacter au plus vite pour nous indiquer si vous souhaitez présenter une communication à ce 8e Congrès mondial.
Pour tout contact : congreso_de_madrid@iaftailp.org
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