Note de lecture : Machiavel par Benoît Schneckenburger


Les héritages de Machiavel sont multiples, mais il demeure pour ses adversaires comme pour ses admirateurs une figure majeure de l’Humanisme de la Renaissance. Controversé, il est tantôt perçu comme un tyran immoral, tantôt comme un penseur républicain éclairant le peuple.

Machiavel a écrit dans une époque marquée par la redécouverte de l’Antiquité et une remise en cause de la tradition chrétienne. Il a rejeté la conception théologico-politique dominante, qui subordonne le pouvoir politique à l’autorité spirituelle, comme c’était le cas dans les « miroirs des princes », qui prônaient des valeurs chrétiennes telles que l’humilité et la piété. Machiavel, à l’inverse, valorise la virtù – une force opérative inspirée des valeurs antiques, opposée à la morale chrétienne.

Rapidement diabolisé, notamment par l’Église qui le met à l’index, il est accusé d’immoralisme, comme en témoigne la critique de Voltaire ou Léo Strauss, qui voit en lui un « enseignant du mal ». Cependant, certains, dès les Lumières, défendent Machiavel et en retiennent un éducateur du peuple. Rousseau et Diderot interprètent Le Prince non comme une apologie du pouvoir tyrannique, mais comme une satire visant à alerter les peuples contre l’autoritarisme.

Au XXe siècle, des penseurs comme Gramsci et Pocock redécouvrent un Machiavel républicain. Gramsci, depuis sa prison, voit dans Le Prince un texte qui pourrait être mobilisateur pour le peuple italien, interprétant son appel à libérer l’Italie comme une exhortation adressée aux masses, non aux Médicis. Pocock, dans Le moment machiavélien, relie sa pensée au républicanisme américain, insistant sur l’importance de la participation citoyenne pour préserver la liberté. Ces analyses mettent désormais Machiavel au cœur des débats sur la conflictualité politique et le devenir de la démocratie.

Machiavel devient ainsi un penseur de la dignité politique, rejetant toute transcendance extérieure à elle et valorisant son autonomie. Ses œuvres, marquées par le réalisme, sont vues comme une science politique émergente, où la virtù incarne l’adaptabilité face aux aléas de la Fortune. Son influence s’étend jusqu’à la culture populaire, inspirant roman, jeux vidéo et séries comme Game of Thrones. Qui n’est pas machiavélien aujourd’hui ?

Machiavel par Benoît Schneckenburger
Éditions Ellipses – 190 pages
Ouvrage en vente à la Librairie de la Libre Pensée : 10/12 rue
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