France : Un combat judiciaire de quinze ans pour le droit de dire « boycott »


Censure

Quand dénoncer l’apartheid israélien devient un crime

Le 4 novembre 2025, la Cour de cassation française a mis un point final à une saga judiciaire de quinze ans, en confirmant la relaxe définitive de militants pro-palestiniens poursuivis pour avoir appelé au boycott de produits israéliens en 2010. Leur tort ? Avoir osé dénoncer, dans un supermarché de Mulhouse, la politique d’apartheid menée par l’État israélien, en brandissant des t-shirts « Palestine vivra, boycott Israël » et en distribuant des tracts. Poursuivis pour « provocation à la discrimination », ces militants ont dû affronter une machine judiciaire acharnée, orchestrée par des associations pro-israéliennes, pour qui toute critique d’Israël équivaut à de l’antisémitisme.

La Cour de cassation, s’appuyant sur un arrêt historique de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en 2020, a rappelé que l’appel au boycott relève de la liberté d’expression, dès lors qu’il ne comporte ni appel à la haine, ni à la violence, ni à l’intolérance. Les juges ont souligné que l’action des militants s’inscrivait dans un « débat d’intérêt général » sur la situation en Palestine et la politique israélienne. Aucun propos antisémite n’a été relevé, aucune violence commise, aucune plainte de clients enregistrée. Pourtant, pendant quinze ans, ces militants ont été traînés devant les tribunaux, condamnés, relaxés, condamnés à nouveau, avant d’être enfin innocentés.

Les procédures bâillon, arme de silence massif

Ce cas emblématique illustre une stratégie systématique : utiliser la justice pour museler toute voix critique envers Israël. En France comme ailleurs, les associations pro-israéliennes instrumentalisent les lois contre la discrimination pour transformer la dénonciation de l’apartheid en délit d’opinion. Le message est clair : parler de boycott, c’est risquer des années de procès, des amendes, une stigmatisation publique. L’objectif ? Créer un climat de peur, dissuader les citoyens de s’engager, et surtout, empêcher que la réalité de l’oppression israélienne ne soit exposée au grand jour.

L’antisémitisme, un bouclier pour protéger l’impunité

Le plus pernicieux, c’est l’amalgame délibéré entre antisionisme et antisémitisme. Les plaignants, comme la chambre de commerce France-Israël ou l’Association France-Israël, ont tout fait pour faire croire que critiquer la politique israélienne revenait à attaquer les Juifs. Pourtant, comme l’a rappelé la Cour, les militants visaient « les choix politiques des dirigeants israéliens », et non un groupe de personnes en raison de leur origine. Mais peu importe les faits : l’accusation d’antisémitisme est brandie comme une arme pour étouffer le débat et protéger Israël de toute remise en question.

Une victoire judiciaire, mais une bataille toujours en cours

La relaxe des militants est une avancée majeure pour la liberté d’expression. Elle consacre le droit de dénoncer les crimes d’un État, même quand celui-ci se drape dans le statut de victime éternelle. Mais cette victoire ne doit pas faire oublier que les procédures bâillon continuent de sévir. En France, en Europe, aux États-Unis, partout où des voix s’élèvent pour défendre les droits des Palestiniens, les machines judiciaires et médiatiques se mettent en branle pour les réduire au silence.

Le boycott n’est pas une attaque contre un peuple, mais un outil citoyen pour faire pression sur un État qui viole systématiquement le droit international. Il a été utilisé contre l’apartheid sud-africain, il est utilisé aujourd’hui contre l’apartheid israélien. Le criminaliser, c’est prendre parti pour l’oppression. La Cour de cassation l’a compris : la liberté d’expression ne s’arrête pas là où commence la critique d’Israël.

A. Clement