Bruxelles, le 28 mai 2025
“Quand vous entendez dire du mal des Arabo-musulmans,
dressez l’oreille, on parle de vous.”*
Conf. Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, 1952
Un vent mauvais souffle sur notre société. Une étrange folie s’est emparée à nouveau d’une partie de la société. Dès qu’il est question des musulmans et de l’Islam, on lit, on entend des propos proprement xénophobes. Le présupposé « musulman » devient le métèque, l’étranger, le « juif d’hier ». Certains hommes politiques et médias voudraient vendre à la population une marchandise frelatée en affirmant que la « grande menace » c’est l’Islam ? Que derrière chaque arbre se cache un barbu, c’est la cinquième colonne, c’est l’ennemi intérieur.
Une campagne savamment orchestrée, alimentée par des discours alarmistes et des amalgames dangereux, tente de diviser nos concitoyens en stigmatisant une partie de nos concitoyens musulmans. Sous couvert de lutte contre l’islamisme, certains responsables politiques, de médias en mal de sensationnel et de « journalistes » en mal de tribunes instrumentalisent la peur pour justifier des mesures répressives et détourner l’attention des véritables enjeux sociaux et économiques.
Le récent rapport intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France », remis au gouvernement le 21 mai 2025, a servi de prétexte à une escalade verbale inquiétante en Belgique. Des figures politiques, comme Georges-Louis Bouchez (MR), Th. Francken (Nva), Georges Dallemagne (Les Engagés), etc. se sont distinguées par des propos outranciers et en accusant sans preuve la gauche de complicité avec l’islamisme et alimentant l’idée d’un « péril musulman ». Si prompts à communiquer pour dénoncer l’offensive islamiste, on n’a jamais vu un communiqué de ces politiques pour dénoncer l’offensive du catholicisme contre l’IVG, l’euthanasie, le mariage pour tous… Ce qui sous-entend que l’Islam n’est pas une religion monothéiste comme les deux autres. Racisme ou discrimination ?
Ils veulent faire de la question du terrorisme une question religieuse et non politique. Ce n’est pas parce que les puissances dominantes bombardent, pillent et envahissent les pays musulmans bafouant les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes, comme en Palestine, que des « musulmans » se révoltent. Que nenni, nous répondent ces politiques et « journalistes », c’est parce qu’ils ont une lecture un peu rigide et radicale du Coran qu’ils font tout cela.
Ces discours, qui rappellent les années 20, 30, 40 de l’antisémitisme et de la xénophobie, ne font qu’attiser les tensions et marginaliser davantage des communautés déjà fragilisées.
Pourtant, les services de renseignements belges sont clairs : les Frères musulmans ne représentent pas une menace violente en Belgique. Leur influence est limitée, et les financements étrangers à leur égard ont drastiquement diminué. Alors pourquoi cette surenchère ? Pourquoi cette volonté de désigner des boucs émissaires et de créer un climat de suspicion généralisée ?
La réponse est peut-être à chercher ailleurs. En détournant le débat vers des questions religieuses et identitaires, certains espèrent masquer leur politique de destruction des acquis sociaux de la classe ouvrière ou de masquer leur incapacité à répondre aux défis sociaux et économiques qui touchent le pays. Les inégalités, le chômage, la précarité et la colère sociale découlant de décennies de politiques néolibérales sont des problèmes bien réels. Mais plutôt que de les affronter, certains préfèrent diviser pour mieux régner, en opposant les citoyens les uns aux autres.
Nous refusons cette instrumentalisation politique. Nous refusons que des responsables publics, se livrent à des provocations pousse-au-crime et alimentent des discours de haine. Le combat contre l’obscurantisme doit être mené avec fermeté, qu’il s’agisse de l’islam, du catholicisme. Oui à la critique sans concession de toutes les religions, non à la discrimination et à la haine.
Face à ceux qui cherchent à instrumentaliser la peur, rappelons-nous les leçons de l’histoire : les amalgames et les désignations de boucs émissaires ont toujours conduit à des horreurs comme celle qui a contribué à l’extermination de six millions de Juifs, en plus des Tziganes, Slaves, handicapés, homosexuels et communistes.
Quant aux mesures préconisées : la répression ! Le CLP-KVD rappelle que le cadre juridique actuel permet de surveiller et, le cas échéant, de poursuivre devant les juridictions compétentes. Ou y a-t-il la volonté de limiter la liberté d’expression et d’associations et de stigmatiser un peu plus, les personnes de confession musulmane ?
Le CLP-KVD, association démocratique et laïque, dénonce l’islamisme, comme il dénonce et combat tous les intégrismes religieux. L’Islam n’a pas le monopole du cléricalisme, de l’intégrisme, du radicalisme.
L’Islam obscurcit à n’en pas douter le cerveau de beaucoup – et pas seulement celui des musulmans – il est grand temps de revenir à la Raison, d’arrêter ce bateau ivre, cette galère dans laquelle certains politiques veulent nous embarquer.
Bruxelles, 28 mai 2025
9 floréal de l’an CCXXXIV
* La phrase exacte est : “Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous.”
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