Note de lecture : Pourquoi croit-on en Dieu ? Sous la direction de Patrice Dartevelle


Christian Eyschen

Cet ouvrage est réalisé par nos amis de l’Association belge des Athées. Il est le produit des Actes d’un colloque éponyme à Bruxelles en octobre 2022. Il aborde cette question sous différents angles, ce qui en fait quelque chose de consistant et de très intéressant à lire.

Il est ouvert par un avant-propos de Marianne De Greef, Présidente de l’Association, qui donne le cadre du débat. « La caractéristique principale des gens est qu’ils sont prêts à tout croire ›› (Umberto Ecco) et « Le péché fondamental des religions : faire des adeptes qui ne posent plus de questions. L’attitude scientifique est exactement à l’opposé. ›› (Albert Jacquard).

Je ne partage toutefois pas son affirmation que « les plus jeunes générations se tournent à présent à nouveau vers des courants de pensée irrationnels ». Une étude récente de l’INSEE de 2023 démontrait que 51% se déclaraient « sans religion» en France. En Europe, ce chiffre monte jusqu’à 58% et pour les jeunes de 18-29 ans, le chiffre est de 67%.

Cela ne veut pas dire bien sûr que les questions « spirituelles ›› leur sont étrangères. Qu’est-ce que le « spirituel ›› d’ailleurs ? A partir du moment où l’on considère que l’être humain n’est pas qu’un tube digestif et qu’il réfléchit et pense, il produit nécessairement de la « spiritualité ›› qui, en elle-même, n’a rien d’irrationnel. Sinon, c’est du matérialisme de Prisunic, « à deux balles ›› disait-on naguère.

Il y a des choses étonnantes qui se dégagent dans une étude à travers différents pays. Patrice Dartevelle indique qu’au Japon, 23% des japonais ne répondent pas à la question sur leurs croyances, 31% se déclarent athées, 31% sans religion et 16% se déclarent religieux. Un pays où il n’y aurait pas d’agnostiques ?

Il note, qu’avec l’avènement du Christianisme, les histoires rocambolesques des Dieux ont été remplacées pour les histoires non moins rocambolesques des « miracles ››, dont le récit occupe le tiers des Évangiles.

Michaël Singleton a passé une grande partie de sa vie en Tanzanie où il exerçait la profession « d’apôtre et d’anthropologue ›› où les peuplades ne croyaient à rien, car ils pensaient tout savoir et savaient qu’il y avait un remède à toute chose, sans toujours savoir ce que c’était. Et ils s’en portaient fort bien. Croire ou savoir, ils avaient choisi de savoir.

Émilie Caspar, neurologue a participé à des études scientifiques sur, en quelque sorte, « le bouton de Dieu ›› (la partie du cerveau qui prédisposerait à la croyance en Dieu). Il est démontré que ce n’est pas le Verbe qui était au début, mais que c’était l’activité cérébrale au niveau du cortex moteur qui produisait le Verbe et une certaine sensation de croyance. La Matière avant l’Esprit en quelque sorte.

Et elle commente : « Pour certains, ces résultats peuvent ébranler la foi religieuse, car cela indiquerait qu’il n’y a pas une âme immatérielle dans notre corps ››. En fait, le sentiment de bien-être suscité par une prière qui établirait une connexion avec Dieu est le même que pour l’amour pour un être cher ou le plaisir de la table, c’est ce qui s’appelle le « circuit de la récompense ››. Et chacun sait que Dieu ne récompense pas, il punit, c’est sa fonction essentielle.

Thierry Ripoli montre que plus le PIB d’un pays est faible, plus le taux de croyance est élevé (car l’instruction est plus faible du fait de la misère sociale), plus le QI est élevé, plus le niveau de croyance baisse. C’est là pour le coup une véritable démonstration matérialiste.

Frédéric Gugelot traite de la question des conversions qui sont souvent motivées par la recherche d’une structure collective quelque peu coercitive où l’individu a besoin d’être encadré. Et pour la hiérarchie, la discipline et l’obéissance, on n’a jamais trouvé mieux que le monothéisme et l’Eglise catholique. Plus généralement et paradoxalement, comment ne pas partager l’aphorisme de Raymond Aron : « La tragédie n’est pas qu’HitIer se donne ou se prenne pour Dieu, c’est qu’il y ait des millions d’hommes assez désespérés pour le croire ››.

Pierre Bréchon s’interroge sur les croyances et pratiques religieuses dans les milieux populaires en Europe. Il montre que malgré les différences sociales de « richesse ›› entre le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest et les niveaux culturels différents, la baisse de la croyance est commune, sauf peut-être en Europe de l’Est pour des raisons conjoncturelles après l’effondrement du stalinisme. Il conclut ses études sur une affirmation que je partage totalement et que j’étendrai au monde entier : « Il n’y a pas de retour du religieux, même si certains groupes religieux peuvent se développer dans certaines parties du monde (le courant évangéliste, par exemple) ››. Il n’y a pas de retour du religieux, mais une radicalisation d’une certaine frange – minoritaire – du religieux, du fait de la crise.

Je conseille vraiment de lire cet ouvrage très intéressant.

Christian Eyschen

La Raison n°686 – novembre-décembre 2023 – p. 21

Pourquoi croit-on en Dieu ? sous la direction de Patrice Dartevelle – ABA Editions – 133 pages – 18€

Sommaire

Marianne De Greef : Avant-propos

Patrice Dartevelle : Foi, religion, croyance, de quoi parle-t-on ?

Michaël Singleton : « Croire ou ne pas croire » n’est pas une question africaine

Émilie Caspar : Approche neuroscientifique de la croyance en Dieu

Thierry Ripoli : Pourquoi la religion est-elle naturelle ?

Frédéric Gugelot : Se convertir à Dieu au XXe et XXIe siècle

Pierre Bréchon : Les milieux populaire en Europe : quelles croyances et pratiques religieuses ?

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