O tempora ! O mores !


À propos du port de signes religieux, philosophiques… par les usagers de l’enseignement supérieur officiel

Quand ce n’est pas le burkini, c’est le fameux fichu qui fait l’objet de controverses. Si le problème du burkini dans les piscines publiques n’a rien à voir avec la laïcité mais bien avec des règles d’hygiène et de sécurité qui ont conduit, par exemple, à proscrire les shorts longs et les bermudas, il en est pas de même pour le port de signes (religieux, philosophiques, politiques..) par les usagers, usagères de l’enseignement supérieur assuré par les pouvoirs publics. Le CLP-KVD rappelle sa position du 18 janvier 2021, reproduite ci-dessous, sur ce dernier aspect.

« Le question du port du voile dans les établissements scolaires et universitaires officiels n’a cessé de faire polémique depuis la fin des années quatre-vingt. La polémique vient d’être relancée par la décision du conseil d’administration du réseau Wallonie-Bruxelles Enseignement (WBE), autorisant le port des signes convictionnels dans l’enseignement supérieur dès la rentrée académique prochaine.

Nous ne nous pencherons pas ici sur les justifications, plus que boiteuses, données par le réseau WBE pour justifier du port de signes convictionnels.

Si le voile peut être considéré comme un signe religieux symbolisant une forme d’oppression, l’interdiction de son port dans la sphère privée constitue une atteinte à la liberté absolue de conscience.

Le Cercle de Libre Pensée-Kring voor het Vrije Denken (CLP-KVD) tient, ici, à rappeler ses positions quant au principe de neutralité qui doit prévaloir dans quelque réseau que ce soit de l’enseignement officiel.

Du fondamental au secondaire, une stricte neutralité doit s’appliquer à l’intégralité de l’institution scolaire, c’est-à-dire aux bâtiments, aux personnels et aux élèves. Cela se justifie par la volonté de soustraire les étudiants à toute pression religieuse et/ou idéologique, y compris celles qui viendraient de leurs condisciples ou de leurs encadrants. En effet, leurs jugements, leurs capacités critique étant en cours de construction, C. Kintzler (philosophe, spécialiste de l’esthétique et de la laïcité) parle de « libertés en cours de constitution ».

C’est pourquoi, le CLP-KVD rappelle sa demande : outre l’interdiction du port de signes convictionnels ou religieux par les élèves dans tout l’enseignement obligatoire officiel, la suppression des cours de religion et l’instauration d’un cours de philosophie donné (du fondamental au secondaire) par un.e professeur.e ayant le titre requis.

Laïcité dans l’enseignement supérieur
ou laïcité de l’enseignement supérieur ?

L’Enseignement supérieur officiel, service public, ne peut être assimilé à l’école primaire et secondaire. Son objet et ses missions sont différents. Y étudient des personnes réputées majeures, capables d’avoir le recul nécessaire pour pouvoir juger par elles-mêmes, C. Kintzler parle de « libertés constituées ». Il est donc impensable d’interdire aux étudiant.e.s l’expression de leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques, notamment par le port de signes d’appartenance religieuse. Le principe de la liberté absolue de conscience prévaut pour les étudiant.e.s. Seuls les personnels sont soumis au principe de neutralité, qui s’impose à tout agent/employé du service public.

Par ailleurs, une interdiction heurterait le principe d’égalité des usagers devant la loi et les services publics. Est-il concevable d’interdire le port des signes convictionnels, politiques pour les usagers de l’enseignement supérieur et de l’accepter, en revanche, pour les usagers de l’hôpital ou de tout autre service public (transports, poste, etc.) ? Si tel était le cas, il faudrait envisager une interdiction généralisée à tous les usagers des services publics au nom du principe d’égalité ; chose que nous ne pouvons ni souhaiter, ni envisager. Aucune catégorie de citoyen.ne.s étudiant de l’enseignement supérieur n’a à être soumis à un statut d’exception.

Le CLP-KVD ne saurait accepter, une loi ou un décret par principe discriminatoire. De surcroît, le CLP-KVD met en garde contre la tentative de certains de vouloir faire du principe de neutralité de l’enseignement supérieur officiel un principe à géométrie variable, en fonction des règlements intérieurs propres à chaque établissement.

Le respect absolu de la liberté de conscience par l’État et ses institutions est une exigence démocratique qui, seule, peut nous éviter de potentiels affrontements communautaristes. C’est le sens de l’action du CLP-KVD.

Il est plus que temps que les forces laïques se réunissent pour exiger une stricte Séparation des Églises et de l’État, la laïcité de l’Enseignement public.

Le CLP-KVD rappelle que la position traditionnelle des laïques et de la Libre pensée se retrouve dans le slogan « fonds publics à l’École publique, fonds privés à l’École privée ». »

Bruxelles, le 18 janvier 2021

Ces lignes sont à lire avec attention. Il ne s’agit pas de dire que le CLP-KVD soutient l’obligation que peuvent rencontrer les femmes de porter le foulard, le voile… mais que le CLP-KVD soutient l’État de droit dans lequel chacun, chacune peut pratiquer sa religion, ses convictions dans le respect de l’ordre public.

Liberté de conscience, liberté de pensée, liberté de s’habiller comme on le souhaite. N’est-ce pas, là, l’essence même de la laïcité ?

Bruxelles, le 12 octobre 2022