Tunisie : Pour la Séparation de la religion et de l’État et la démocratie


De Kaïs à Saïed

– Communiqué –

Dans la foulée du coup d’État du 25 juillet 2021, Kaïs Saïed, président de la République, a suspendu puis dissout le Parlement, a dissout le gouvernement et suspendu la Constitution du 27 janvier 2014 ! Concentrant tous les pouvoirs, Kaïs Saïed a soumis au référendum*, contre l’avis de la majorité de la société civile, ce 25 juillet 2022, une nouvelle Constitution afin d’abroger celle de 2014.

Si pour Ben Ali la démocratie parlementaire était prématurée, Kaïs Saïed, lui, affirme qu’elle est dépassée !

Suite à la Révolution de Jasmin de 2011, qui mit fin au régime dictatorial de Zine el-Abidine Ben Ali, la Tunisie avait renoué avec le choix des constituants de la 1ère République, celui de faire écrire la Constitution par une Assemblée constituante élue par le peuple tunisien.

La Constitution adoptée le 26 janvier 2014 intégrait des principes démocratiques. Outre le préambule rappelant les droits fondamentaux des Tunisiens, l’article 1 et surtout l’article 2 consacrent le caractère civil de l’État :

Article 1 : « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion, l’arabe sa langue et la république son régime. Il n’est pas permis d’amender cet article. »

Article 2 : « La Tunisie est un État à caractère civil, basé sur la citoyenneté, la volonté du peuple et la primauté du droit. Il n’est pas permis d’amender cet article. »

En résumé, même si selon l’article 1 l’Islam est la religion de la Tunisie (et non de l’État ?), la Tunisie est un État civil où seule la loi civile s’applique (article 2).

Les pouvoirs sont clairement séparés.

Le pouvoir législatif est exercé démocratiquement par une assemblée élue par les citoyens. Il est fixé entre autres par les articles 60 et 62 :

Article 60 : « L’opposition est une composante essentielle de l’Assemblée des représentants du peuple, elle a des droits lui permettant d’accomplir ses missions dans le cadre du travail parlementaire et lui garantissant la représentativité adéquate dans les structures et activités de l’Assemblée, sur les plans intérieur et extérieur. »

Article 62 : « L’initiative des lois est exercée par des propositions de lois émanant de dix députés au moins ou par des projets de loi émanant du Président de la République ou du Chef du gouvernement. »

Enfin, le pouvoir judiciaire consacre clairement l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis de l’exécutif :

« Le pouvoir judiciaire est indépendant et garantit l’instauration de la justice, la suprématie de la Constitution, la souveraineté de la loi et la protection des droits et des libertés. Le magistrat est indépendant. Il n’est soumis dans l’exercice de ses fonctions qu’à l’autorité de la loi. »

Plus rien de tout cela, à la lecture du texte de la nouvelle Constitution du 25 juillet 2022. On comprend pourquoi les experts en droit public, les libres penseurs dénoncent ce texte comme attentatoire aux libertés, à la principale de celle-ci : la liberté absolue de conscience et la démocratie.

Dessin de Dilem

La nouvelle Constitution codifie désormais les bases juridiques du régime dictatorial mis en place par M. Kaïs Saïed. Elle place le Président de la République au-dessus de tous les pouvoirs, elle en fait l’autorité suprême en mesure de dissoudre le gouvernement, le parlement… sans en rendre compte à personne, elle empêche toute possibilité de destitution du président. Les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire ne sont pas reconnus comme pouvoirs séparés, mais comme de simples fonctions. L’indépendance de la justice est restreinte. M. Kaïs Saïed avait d’ailleurs, dès février 2022, suspendu le Conseil supérieur de la magistrature au profit d’une institution chapeauté par lui, puis limogé 57 magistrats. Le pouvoir législatif est subordonné au bon vouloir du président de la République.

Last but not least l’article 5 de la Constitution a de quoi inquiéter les laïques, les libres penseurs :

« La Tunisie fait partie de la Umma islamique. Seul l’État devra veiller à garantir les préceptes de l’Islam en matière de respect de la vie humaine, de la dignité, des biens, la (sic) religion et de la liberté de croyance ».

Il énonce que la Tunisie fait partie de l’« Umma islamique » (la communauté des musulmans) et que l’État est le garant de la réalisation des finalités de l’Islam. Cet article ouvre la voie à une interprétation restrictive des droits et libertés et notamment des droits de l’homme dans leur universalité, indivisibilité. C’est l’arrêt de mort de l’État civil et de l’État de droit en Tunisie.

Le CLP-KVD, membre de l’AILP, constituée à Oslo en 2011 pour, entre autres, œuvrer à la stricte et effective Séparation des États et des religions et donc pour le strict respect de la liberté absolue de conscience, dénonce et condamne fermement le virage anti-démocratique pris en Tunisie avec cette Constitution adoptée par plébiscite ce 25 juillet 2022. Il apporte tout son soutien aux à toutes celles et ceux qui luttent pour une stricte Séparations des religions et de l’Etat.

Bruxelles, ce 3 août 2022

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Plus de 70% du corps électoral a refusé de voter. 

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