« Le cinéma est la réalité » (Francesco Rosi)
Cinéaste politiquement engagé, Francesco Rosi est mort le 10 janvier 2015. Il a attaché son nom à un genre cinématographique qu’il a créé : le film-dossier, un mélange de fiction et d’archives. Influencé par Brecht, il procède à des enquêtes politiques qui mènent à des crimes d’état. Il démasque les complots et les collusions entre la mafia et les autres cancers de la société : l’église, la Démocratie-chrétienne, les généraux . Il ne démontre pas, il montre.
La plupart de ses seize films abordent l’histoire récente de l’Italie :
Salvatore Giuliano (1961) enquête sur son assassinat, avec une démystification du bandit d’honneur : le 1er mai 1947, à Portella, Giuliano a fait mitrailler une manifestation socialiste. Il montre la collusion entre la police, la mafia et les bandits dont fait partie Giuliano. C’est aussi un tableau du Mezzogiorno, abandonné par les pouvoirs publics.
Main basse sur la ville (1963) : à Naples (ville natale de Rosi), un promoteur-spéculateur construit des maisons sans respecter aucune norme. Un de ses immeubles, bâti sur pilotis dans un quartier populaire, s’écroule : c’est une métaphore de l’effondrement de la société capitaliste. Il y a de nombreux morts, mais la collusion des notables et des truands permettra d’étouffer le scandale.
Les Hommes contre (1970) : lors de la bataille de l’Isonzo (1916), un général italien, une ganache criminelle (Cadorna a servi de modèle), s’acharne à reprendre une colline aux autrichiens. Il fait donner l’artillerie… qui massacre la vague d’assaut de ses propres fantassins : le tir était mal réglé. Les survivants se reposent… ce qui est assimilé à une mutinerie, et il y aura des fusillés pour l’exemple. Les Hommes contre n’est pas sans rappeler Les Sentiers de la gloire de Kubrick. Rosi démasque l’épopée guerrière : « La seule guerre juste, c’est la révolution », dit-il. Rosi a déclaré montrer, durant la guerre, « l’oppression d’une classe par une autre, d’une culture par une autre. »
L’Affaire Mattei (1971) : Enrico Mattei, patron de la pétrochimie italienne, s’opposait au monopole des pétroliers américains en Italie. Il est liquidé dans des conditions obscures, la CIA serait impliquée. Le film a d’ailleurs été racheté par la Paramount qui l’a fait disparaître.
Cadavres exquis (1975) : trois magistrats sont assassinés par la Camorra, et le pouvoir utilise ces meurtres pour fomenter un coup d’état militaire, en collusion avec l’extrême-droite qui veut priver la gauche d’une victoire annoncée. Cette histoire kafkaïenne débouche sur l’assassinat du secrétaire général du Parti communiste italien (dont Rosi était un sympathisant).
La Trêve (1997) Adaptation du roman autobiographique La Tregua de Primo Levi, il relate le retour douloureux des déportés. Le film a été ostracisé au nom de l’irreprésentabilité de la Shoah.


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