Belgique : Naufrage de l’État de droit


Siné mensuel

« Il n’y a pas plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à
l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice » Montesquieu

Le 16 décembre 2023, Edgar Szoc, observateur au nom de la LDH, a été arrêté administrativement par la police alors qu’il filmaitdonc ne participait pas à – une action de désobéissance civile du collectif Code Rouge. Son arrestation et sa détention étant justifiées naïvement ou cyniquement, par les forces de l’ordre par son refus d’effacer les images.

La liberté de manifestation et la liberté d’expression sont des libertés fondamentales et il incombe à l’État d’en garantir l’exercice. Pour s’assurer, que l’exercice de ces libertés soit effectivement garanti par l’État, le droit international impose aux États de protéger les observateurs indépendants qui doivent être traités à l’instar des journalistes (1). Or, ces derniers temps, des observateurs ont été entravés, intimidés ou arrêtés par les forces de l’ordre.

Le 16 décembre 2023, lors d’une action de désobéissance civile à Anvers, Edgar Szoc, président de la Ligue des Droits Humains (LDH), présent en tant qu’observateur de la Ligue des droits humains, a été arrêté par les forces de l’ordre et détenu administrativement durant 7 heures.

Cette nouvelle atteinte grave aux droits fondamentaux appelle au moins trois remarques :

– Cette interpellation relève d’une pure intimidation visant d’une part à faire exemple puisque le président de la LDH a été relâché sans avoir été incriminé de quoi que ce soit par la police et d’autre part à décourager l’ exercice de la liberté d’expression, de manifestation.

– Dans un Etat qui se réclame démocratique, les autorités et les forces de l’ordre sont redevables devant les citoyens de leurs actions. Il est donc légitime de pouvoir les filmer lors des opérations de maintien de l’ordre et de documenter les citoyens. La force publique, qui est au service de tous, doit être observable en tout temps, par toutes et tous. Dans un État de droit, la liberté d’informer, et donc le droit de filmer des fonctionnaires de police dans l’exercice de leur fonction, sans pour autant porter atteinte à la dignité des fonctionnaires, prime sur toutes autres considérations.

– Le chantage du policier – « tu « effaces » ou je « t’efface » » (2) – démontre l’utilité, la nécessité de filmer les interventions policières. La multiplication des images ces dernières années a permis une prise de conscience plus grande de l’existence des violences policières, violences déniées systématiquement par les institutions policières et les autorités. Ces vidéos peuvent aussi constituer des éléments de preuve pour la justice, ce qui exaspère visiblement l’institution policière.

– Si la Belgique était un État de droit et respectait ses engagements internationaux, elle imposerait aux forces de l’ordre de protéger les observateurs. Or, ces derniers temps, des observateurs ont été entravés, intimidés ou arrêtés par des forces de l’ordre.

Une nouvelle fois, les droits et libertés de ceux qui contestent les positions du gouvernement sont atteints et bafoués et le gouvernement refuse de protéger les observateurs dont la mission est de rendre compte des actions des forces de l’ordre.

Ces atteintes répétées aux libertés, les violences croissantes des forces de l’ordre, l’impunité policière qui semble consacrée, sont révélatrices du non-respect de l’État de droit (3) par les gouvernements et la police ainsi que de leur refus de rendre des comptes à la population.

Ces dérives sont inquiétantes pour la démocratie et le CLP/KVD appelle à y mettre un terme. Il est particulièrement important que les libertés d’expression et de manifestation, indispensables au bon fonctionnement d’une société démocratique, soient respectées et que le statut des observateurs indépendants soit garanti.

Nivôse CCXXXII
Janvier 2024

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(1) Par exemple : https://www.osce.org/files/f/documents/a/4/119674.pdf

(2) Mais vous avez filmé et s’il y a des éléments qui peuvent nous nuire, vous allez les utiliser. Je vous donne le choix, soit vous effacez les images, soit je vous arrête” – un chantage – faut-il le préciser ? – sans aucune base légale et qui constitue selon moi l’aspect le plus problématique de la séquence. »

(3) « Respectons les valeurs l’État de droit » (sauf pour nous) ne cessent de clamer les gouvernements alors qu’ils ne les respectent pas lorsqu’il y va de leurs intérêts politiques, notamment en matière de droit des étrangers et de droit d’asile

 

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