La Semaine sanglante, 21-28 mai 1871


La Semaine sanglante est le nom des derniers jours de la Commune de Paris. Elle durera une semaine. Elle mettra fin au premier gouvernement ouvrier, d’un gouvernement par les ouvrier.e.s, pour les ouvrier.e.s. La répression est terrible, ceux qui sont pris sur les barricades, à proximité, qui ont peu ou prou des traces de poudre sur les mains sont immédiatement fusillés. Les autres seront regroupés dans divers lieux dont le camp de Satory, en attendant les conseils de guerre. Car ce sont les militaires qui sont chargés de cette besogne. Accoler justice et militaire n’a jamais été heureux dans l’histoire, la guerre de 1914-1918 en a été ultérieurement un dramatique exemple. Rappelons que la Libre Pensée exige toujours la réhabilitation de tous ces malheureux « fusillés pour l’exemple » dans cette immense boucherie, que fut la première guerre mondiale !

Le 18 mars 1912, jour anniversaire du soulèvement de Paris, Rosa Luxemburg publie dans les colonnes du journal Die Gleichheit, fondé par Clara Zetkin, une ode à la Commune…

« L’Histoire délivra, au mois de mars, un autre enseignement important aux prolétaires en lutte. Le 18 mars 1871, le prolétariat parisien s’empara du pouvoir dans la capitale française, abandonnée par la bourgeoisie et menacée par les Prussiens ; il instaura le gouvernement de la glorieuse Commune. La direction pacifique et bienfaisante des travailleurs aux commandes de l’État, après que ses classes dominantes l’avaient jeté dans la tourmente d’une guerre criminelle et de défaites dévastatrices, ne dura que deux mois. La lâche bourgeoisie française, qui avait fui devant l’ennemi étranger, se ressaisit dès le mois de mai et fit alliance avec lui pour mener un combat à mort contre “l’ennemi intérieur”, contre les travailleurs parisiens. Au cours de la “Semaine sanglante”, la Commune prolétarienne s’acheva dans un massacre effroyable, sous des ruines fumantes, sous des montagnes de cadavres, sous les gémissements des vivants enterrés avec les morts, sous les orgies de la bourgeoisie ivre de vengeance… »

Louise Michel évoque la dernière journée :

« Versailles étend sur Paris un immense linceul rouge de sang ; un seul angle n’est pas encore rabattu sur le cadavre. Les mitrailleuses moulent dans les casernes. On tue comme à la chasse ; c’est une boucherie humaine : ceux qui, mal tués, restent debout ou courent contre les murs, sont abattus à loisir.

[] La Commune n’a plus de munitions, elle ira jusqu’à la dernière cartouche. [] La Commune était morte, ensevelissant avec elle des milliers de héros inconnus ».

En 1898, Louise Michel évoque le nombre de morts :

« Alors on se souvient des otages, des prêtres ; trente-quatre agents de Versailles et de l’Empire sont fusillés. Il y a dans l’autre poids de la balance des montagnes de cadavres ».

Durant la Semaine sanglante, 100 000 soldats commandés par Versailles investissent Paris et seuls 877 (toutes les sources sont unanimes) décèdent dans les combats.

Pour les morts de la Commune, Lissagaray les estime à peu près à 20 000 morts, Louise Michel à 30 000 quand l’anticommunard Maxime Du Camp n’en dénombre que 6 667…

La mathématicienne et historienne de la Commune, Michèle Audin, a fait récemment un énorme travail pour recompter mais aussi retrouver des sources pour s’approcher au plus près du nombre de morts de la Commune. Grâce à une recherche rigoureuse, elle arrive à des chiffres assez proches de ceux de Lissagaray, soit 20 000 morts :10 000 inhumés dans les cimetières parisiens, à peu près 5 000 dans les cimetières environnants, et environ 5 000 disparus. En effet, la manière dont les communard.e.s ont été tué.e.s fait qu’on ne pourra jamais arriver à les décompter : noyé.e.s dans la Seine ou dans le canal Saint-Martin, enterré.e.s à la va-vite sur le chemin des prisons de Versailles, brûlé.e.s dans les maisons ou laissé.e.s à l’état de « débris humains »…

Ce massacre empêchant tout décompte des morts, toute histoire documentée, a été décrit par un contemporain engagé, Élisée Reclus, dans La Commune de Paris au jour le jour, à la date du 27 mai 1871 : « Les gens du quartier commencent à sortir, ils vont prendre connaissance de ce qui se passe au dehors. Ils reviennent avec des récits épouvantables. La berge du fleuve est parsemée de cadavres, les rues aussi. Dans certaines cours, des corps morts sont amoncelés. On emporte des carcasses par charretées pour les enfouir dans des fosses profondes qu’on recouvre de chaux vive ; ailleurs on les asperge de pétrole puis on les brûle ; on a vu un convoi de dix à douze omnibus remplis de débris humains. Un ami qui nous apporte des renseignements montre les semelles de ses bottines imprégnées de sang… Des deux côtés de la Seine un filet rouge coule le long des berges. »

Sur le caractère volontairement exemplaire de la répression, aucun doute… le criminel qui l’a commandité, Adolphe Tiers, l’ayant télégraphié aux préfets le 25 mai 1871 : « Le sol de Paris est jonché de leurs cadavres.  Ce spectacle affreux servira de leçon, il faut l’espérer, aux insurgés qui osaient se déclarer partisans de la Commune ».

Si la Commune de Paris a été massacrée, occultée, jamais enseignée dans les livres d’histoire, si les communard.e.s ont été assassiné.e.s et déporté.e.s, l’idée d’un gouvernement ouvrier, d’un gouvernement par les ouvrier.e.s, pour les ouvrier.e.s n’est pas morte et est bien vivante !

Vive la Commune de Paris !

Ni dieu, ni maître ! A bas la Calotte
et vive la Sociale !