Liberté d’expression. Lettre ouverte à Monsieur Philippe Close, bourgmestre de la Ville de Bruxelles


Bruxelles, le 10 décembre 2021

Monsieur le Bourgmestre,

Ce lundi 6 décembre 2021, les organisations syndicales FGTB ABVV et CSC ACV organisaient une manifestation nationale à Bruxelles en défense notamment des libertés syndicales gravement atteintes par une criminalisation de celles-ci – mais aussi pour revendiquer la liberté de négociations collectives, du droit de grève, la fin du blocage des salaires et du pouvoir d’achat, etc.

Cette manifestation a eu un franc succès, les manifestants arborant, en rouge ou en vert, nombreux foulards, calicots, drapeaux, casquettes, vestes rouges ou vertes, etc.

Mais la fin de la manifestation a connu – surprenant paradoxe – une atteinte grave à la liberté d’expression des manifestant.e.s, et notamment des membres du Cercle de Libre Pensée-Kring voor het Vrije Denken.

La manifestation se termine, la foule se disloque, les discours font place à la musique, chacun et chacune s’en va flâner dans les rues avoisinantes du Mont des Arts, qui pour rentrer chez soi, qui pour prendre un café, qui pour d’autres raisons, peu importe.

Mais encore faut-il passer les cordons policiers qui ont entouré le lieu du rassemblement final…

Car en effet, quelques cent mètres plus loin, personne ne pouvait passer et flâner au-delà du cordon, sans avoir « déposé les armes », à savoir, à la demande express des policières et policiers faisant fonction et bloquant tout passage, ranger dans un sac (pourvu qu’il ne soit pas estampillé d’une organisation syndicale rouge ou verte !) et rendre invisibles foulards, casquettes, calicots, drapeaux, etc.

– Mais pourquoi dois-je enlever mon foulard rouge, je le porte très souvent, demande-t-on à un policier ?

– Parce que c’est la loi, nous répond-il.

– Mais quelle loi ? Demande-t-on.

– Ce sont les ordres, conclut un autre policier.

C’est donc bien sur ordre que l’interdiction d’avoir un foulard rouge ou vert en rue a été instaurée.

Libertés syndicales, libertés démocratiques, nous venons de manifester pacifiquement et sans incident avec nos organisations syndicales. Et la manifestation à peine terminée le droit élémentaire de circuler avec un foulard rouge ou vert est bafoué sur ordre. Triste conclusion.

Après les interpellations préventives et gardes-à-vue infondées contre des manifestants pacifiques, une nouvelle dérive contre la liberté d’expression vient s’ajouter : l’interdiction du port de signes syndicaux lors d’une manifestation ! La police prétend désormais jouer les arbitres des « élégances » vestimentaires en décidant qui peut porter quoi et quand. A quand le dépôt des slogans, des calicots… avant manifestation ?

Le CLP-KVD rappelle, qu’en l’état actuel du droit, nul ne peut légitimement exercer une contrainte physique à l’encontre d’une personne portant un insigne syndical, politique, religieux : lui refuser l’accès à un espace ouvert au public ou lui faire quitter ce lieu, y compris lui faire ôter ce qu’il porte. La loi ne sanctionne que la dissimulation complète du visage dans l’espace public.

Empêcher toute expression sur la voie publique ou autoriser seulement ce qui agrée aux pouvoirs publics, c’est porter une atteinte directe à la liberté absolue de conscience, à la liberté d’expression de celle-ci, atteinte que rien ne saurait justifier.

Le CLP-KVD appelle les autorités publiques à respecter le droit de manifester et d’expression.

Nous en appelons aux organisations syndicales, à la Ligue des droits humains, à tous les défenseurs des libertés et des droits démocratiques : que cette interdiction, cet « ordre », donné aux forces policières aujourd’hui, ne reste pas sans suite, et soit dénoncé comme une entrave supplémentaire à la liberté d’expression.

A l’heure où les libertés individuelles et collectives sont corsetées, au nom de la lutte contre la pandémie et contre le terrorisme, allez-vous agir pour empêcher que ne se renouvellent ces atteintes à la liberté d’expression ?

Dans l’attente d’une réponse de votre part, veuillez agréer, Monsieur le bourgmestre, l’expression de notre indéfectible attachement à la liberté absolue de conscience, la liberté d’expression.

Bruxelles, vendredi 10 décembre 2021

 

 

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