Ce Dieu éternellement bourreau…


Ce n’est pas pour le reconstituer sur la terre qu’on a détruit l’enfer d’outre vie…

louise michel[…] « Le Capital ! » dit-on avec un respect craintif, « on parle de détruire le capital ! Hein ? »…

Ah ! Il y a longtemps que la raison, que la logique en a fait justice du Capital : est-il d’essence supérieure au travail et à la science ?

Supposez des Rothschild quelconques, possédant toutes les mines d’or et de diamants de la terre, qu’en feraient-ils sans les mineurs ?

Qui donc extrairait l’or du sable, le diamant de la gemme ? Donnez aux exploiteurs des carrières de marbre sans personne pour en tailler, pour en arracher les blocs…

Que ces gens-là le sachent, ils sont incapables de tirer parti de rien sans les travailleurs : mangeront-ils la terre si personne ne la fait produire ?

Allez, allez ! il y a longtemps que la Bastille capitaliste ne compte plus pour l’avenir. Et, du reste, cette portion de biens qu’ils détiennent au détriment de la foule des déshérités est infime en regard des prodigieuses richesses que nous donnera la science !

Ce n’est pas pour le reconstituer sur la terre qu’on a détruit l’enfer d’outre vie ; détruit, le jour où l’on a eu conscience qu’il serait monstrueux, ce Dieu éternellement bourreau, qui, pouvant mettre partout la justice, laisserait le monde se débattre à jamais dans tous les désespoirs, dans toutes les horreurs ; et en même temps que l’enfer des religions s’écroulent les enfers terrestres avec les amorces de récompenses égoïstes qui n’engendrent que corruption.

C’est avec ces récompenses corruptrices qu’on a fait patienter si longtemps les uns que leur patience est usée, et si bien persuadé aux autres que tout doit se passer ainsi de par l’injustice séculaire, qu’ils ont la conscience ankylosée et commettent ou subissent le crime.

Cela est fini : les voiles de tous les tabernacles se déchirent.

Finis les trônes, finies les chamarreries de dignités illusoire, finis les grelots humains. Toute chose à laquelle on ne croit plus est morte.

On commence à s’apercevoir que les oiseaux, les fourmis, les abeilles se groupent librement, pour faire ensemble le travail et résister au danger qui pourrait surgir ; et que les animaux donnent aux hommes l’exemple de la sociabilité.

Comment tombera la geôle du passé que frappent de toutes parts les tempêtes populaires ?

Nul ne le sait.
[…]

Louise MICHEL – L’ère nouvelle – Pensée dernière Souvenirs de Calédonie – ;
Bibliothèque ouvrière cosmopolite
http://sami.is.free.fr/Oeuvres/louise_michel_ere_nouvelle.html