Contribution du CLP-KVD au Congrès de l’AILP à Londres (2014)


Congrès de l’A.I.L.P. Londres 2014

Contribution du Cercle de Libre Pensée – Kring van het Vrije Denken

 

Voici quelques jours, en Belgique, c’était la fête nationale. Comment ont commencé les festivités ? Par un Te Deum célébré par le primat de l’église catholique, devant les autorités publiques, dont la plus haute, en l’occurrence en Belgique, le roi.

L’Église catholique en Belgique  Une longue tradition de crimes

L’Église catholique en Belgique ? Une longue tradition de crimes

Voilà pour poser, un peu, le paysage belge et pour vous dire que c’est tout un programme de parler de la séparation des Églises et de l’État dans ce pays. On comprendra qu’il y a donc du pain sur la planche pour les laïques de ce pays. Autrement dit, en Belgique, la laïcité de l’État n’existe pas. On parle de « neutralité ». C’est-à-dire … ?

Dans la suite de notre exposé, après un bref rappel historique, forcément réducteur, sur la création de la Belgique, nous esquisserons le financement des cultes par des dotations publiques pour finir par le financement des écoles subventionnées confessionnelles ou pour parler plus simplement des écoles privées essentiellement catholiques.

Un État artificiel

Au cours l’année 1830, moment de la fondation de la Belgique (1), l’Europe connaît une vague révolutionnaire : France, Allemagne, Pologne, … et aussi en Belgique. Même si le prolétariat belge en formation joua un rôle important lors de la révolution (rôle souvent occulté dans l’histoire officielle), celle-ci fut à dominante bourgeoise, catholiques et libéraux réunis. Cette révolution se fit contre le régime haï des Pays-Bas et de son roi avec une profonde volonté d’un rattachement à la France. Ce que ne pouvaient admettre l’Angleterre, l’Autriche, la Prusse, la Russie tsariste. Les révolutions furent réprimées ou stoppées. En France, on maintint la monarchie en portant Louis Philippe sur le trône, en Belgique, les grandes puissances imposèrent un roi (qu’elles iront d’ailleurs chercher à l’étranger).

Résultat de l’équilibre entre les puissances européennes du début du 19ème siècle, l’État belge peut-être qualifié d’État artificiel. Voilà un fait constitutif important du « royaume de Belgique » à l’origine.

A ce moment le territoire de la future Belgique fait partie du Royaume des Pays-Bas.

Un État monarchique

N’étant pas l’aboutissement d’un mouvement national, populaire, mais imposé par les puissances européennes, l’État belge sera constitué anti démocratiquement à partir d’un compromis entre propriétaires fonciers, capitalistes et curés, majoritaires au Congrès, niant l’existence des peuples et singulièrement du peuple flamand sur le plan linguistique, ce qui ne sera pas sans conséquences.

Le Congrès dote la Belgique d’une monarchie constitutionnelle, héréditaire. Clé de voûte des institutions, elle va concentrer le caractère anti-démocratique de l’État.

Comment se faire encore plus d'argent ?

Comment se faire encore plus d’argent ?

Financement des cultes

La Constitution belge est le résultat d’une alliance entre les catholiques et les libéraux. En contrepartie de la liberté d’opinion et de presse accordée aux libéraux, l’Église obtient la liberté d’enseignement, la liberté des cultes et le financement de ceux-ci par l’État.

Article 19 de la Constitution :« Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l’État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget »

Dans les grandes lignes, le système belge actuel est identique à celui élaboré en 1830. Il se caractérise  par un financement des divers cultes dits « reconnus » par les pouvoirs publics.

Outre les traitements et pensions, les communes doivent, par exemple, prendre en charge les réparations des édifices du culte et fournir un logement au ministre du culte.

Durant les deux décennies suivantes, le Parti Catholique continue son offensive et obtient des dispositions favorables au clergé : paiement des traitements des vicaires, des aumôniers militaires, dispense pour les étudiants en théologie du service militaire et dispense pour les ministres du culte du devoir de jury d’assises.

La guerre scolaire pratiquée par les cléricaux

Qu’en est-il aujourd’hui et dans l’histoire récente ?

On va voir que l’Église a toujours continué à mener un combat vigoureux pour s’approprier une place la plus grande possible dans la sphère publique. La question scolaire sera primordiale.

Il y a une date très importante dans l’histoire de la Belgique : 1958 et le Pacte Scolaire. Cela va être la mise en œuvre offensive du principe clérical vu précédemment : liberté d’enseignement, liberté des cultes, … et financement de ces « libertés » par les deniers publics !

Le « Pacte » Scolaire, obtenu y compris sur fond de manifestations musclées des bataillons cléricaux, oblige d’une part les écoles publiques à organiser et donner l’enseignement religieux (cours de religion). Rappelons, qu’avant ce pacte, un nombre important d’écoles publiques n’organisaient pas de cours de religion. D’autre part il oblige l’État à subventionner l’enseignement confessionnel.

PROPHETSDepuis la signature de ce pacte, le pari clérical n’a eu de cesse de réclamer, et obtenir, pour ses écoles un financement public de plus en plus important. A titre d’exemples :

– « Avantages sociaux » 2001 : Si une école publique située sur le territoire d’une commune bénéficie d’un certain type d’avantage, la commune a l’obligation de fournir à toutes les autres écoles confessionnelles ou non, situées sur son territoire, les mêmes avantages.

– Un accord (dit de la Saint Boniface) 2001 stipule que les subventions à l’enseignement confessionnel passeront progressivement de 50 à 75% de la dotation totale des écoles publiques. En 2013, pour atteindre ces 75%, le gouvernement a diminué les montants octroyés à l’enseignement public pour augmenter celui de l’enseignement privé confessionnel.

– En 2013, le réseau confessionnel a exigé et obtenu le financement à 100% de leurs nouveaux bâtiments scolaires en Région Bruxelloise et en demande l’élargissement pour la Région Wallonne.

 Le tableau ci-dessous montre l’ampleur des deniers publics accaparés par l’enseignement confessionnel au détriment de l’enseignement officiel. 

Budget de l’enseignement en Communauté Française (en milliers d’euros)

 

Communauté

Française

Province et

Communes

« Libre » Total
2002 1.083 710 1. 287 218 2. 199 719 4.570 646
2006 1.208 197 1. 514 192 2.569 016 5.291 405
2009 1.313 376 1. 694 089 2. 872 548 5.880 013

 Source : www.statistiques.etnic.be

Comme l’indique ce tableau, le réseau libre, c’est-à-dire essentiellement catholique est financé à quasi parité avec l’enseignement public (2, 872 milliards pour 3 mil­liards).  L’appétit de l’Église ne s’arrête pas là. Par l’intermédiaire de son représentant politique, le CDH (parti démocrate-chrétien) exige le financement total de ses bâti­ments sco­laires tout en restant proprié­taire.

Répartition des divers postes de subventionnement aux cultes (en  millions d’euros)

Secteurs Montants
Cours philosophiques (cours de religions et de morale non confessionnelle) 325,00
Charge 111,40
Salaires 103,00
Pensions 35,50
Bâtiments 30,90
Exonérations de précomptes immobilier 13,70
Travaux 13,00
Aumôneries 7,50
Émission TV et Radio 2,00

Source : Le Soir : Le financement des cultes. 9 janvier 2013

Ainsi, le financement des cultes coûte, au bas mot, chaque année 650 millions d’euros en fonds publics.

L’Église et la Justice

Dans le domaine de la justice, l’Église, là aussi, a réussi à imposer une influence déterminante. Ce qui concerne les abus sexuels commis par les ecclésiastiques en est un exemple.

A la suite de négociations de la hiérarchie de l’Église avec le ministre de la Justice, les cléricaux ont obtenu la création d’une commission particulière chargée de re­cevoir les plaintes des victimes … et de déterminer elle-même si suite doit y être donnée. Un véritable court-circuitage de la procédure judiciaire.

Il a fallu que des députés demandent au ministre en charge d’être le ministre de la Justice et non de l’Église. Et qu’ils rappellent à l’Église que «... c’est la justice des hommes qui décide de la culpabilité et de la sanction à imposer. » pour que le protocole d’accord soit dénoncé et cette commission particulière dissoute.

Sur le plan pénal, le juge d’instruction chargé d’enquê­ter sur les abus sexuels des prêtres a démissionné suite aux pressions subies. Depuis, l’enquête est au point mort.

Le combat pour une véritable laïcité en Belgique

En 1993, la Constitution a été modifiée pour assurer le financement sur fonds publics clés organisations laïques : « Les traitements et pensions des délégués des or­ganisations reconnues par la loi qui offrent une assistance morale selon une conception philosophique non confession­nelle sont à la charge de l’État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont annuellement portées au budget » (source : art. 181 §2).

Cette modification de la Constitution n’est pas sans im­portance dans le combat pour une séparation stricte des Églises et de l’État. En effet, comme le souligne le Pr de droit public M. Uyttendaele : « … Ce qui est grave dans la, révision constitutionnelle opérée en 1993, c’est que, par l’aboutissement d’un long combat, les laïques ont crédi­bilisé et donné une force accrue au principe même du finan­cement par l’État des cultes et de leurs activités. Il sera beau­coup plus malaisé, demain, de contester le financement des églises par l’État dès lors que la laïcité elle-même en bénéfi­cie. Plus que jamais, il sera difficile de laïciser l’État, c’est-à-dire de reléguer dans la sphère des intérêts privés tout ce qui concerne la croyance et l’exercice des cultes …  » (source : www.lesoir.be 10/09/1994).

Cette prise de position attire l’attention sur la situation du combat pour la laïcité en Belgique. Nous avons été plusieurs en Belgique, à penser que le SEPARATIONlong combat dont il est parlé ici, et qui fut pris en charge par le C.A.L (Centre d’action laïque) organisant la laïcité en Bel­gique, ne pouvait mener qu’à des conséquences dommageables pour une reconnaissance adé­quate de la laïcité. En effet, de quelle reconnaissance s’agit-il ? Comme une des nouvelles « religions recon­nues » et à ce titre subventionnée ?

Uyttendaele pour­suit sur la modifica­tion de la Constitu­tion en 1993 : «… Comment comprendre cette disposition? Certains, en particulier dans les milieux laïques, y verront cette reconnaissance officielle tant attendue. Ils pourront, à juste titre, se satisfaire du fait que l’assistance morale don­née, dans les hôpitaux, dans les prisons ou dans d’autres lieux, par des conseillers laïques ne sera plus, dorénavant, marginalisée. Au même titre que les ministres ou aumôniers des différents cultes, les conseillers laïques pourront agir dans la clarté et exercer leur mission en étant doté d’un sta­tut reconnu constitutionnellement. »

Pour notre part, nous estimons que s’il est évident qu’un développement important de structures d’assis­tance doit avoir lieu, nous pensons qu’il s’agit d’un de­voir social et collectif non politiquement ni philosophi­quement marqué, mais qui relève du service public. Comme le dit encore le juriste, faut-il « … que tous ceux qui remplissent cette mission soient pourvus d’un dos­sard ?… »

Par ailleurs, il nous apparaît que les positions du C.A.L posent également problème dans un autre domaine : celui de l’enseignement. Il importe à ce sujet de garder des positions très claires. Quelles que soient les énormes conquêtes, en Belgique, de l’enseignement dit « libre » ou confessionnel dans les lois, budgets, pra­tiques, et autres pactes scolaires, doit-on baisser les bras ? Sommes-nous encore et toujours pour la défense incon­ditionnelle de l’enseignement public et contre le subventionnement de l’enseignement confessionnel ?

Le vieux principe « fonds publics à l’école publique, fonds privés à l’école privée » est-il tombé en désué­tude ? Nous avons des raisons de croire que pour le C.A.L, il en est ainsi. Dans un communiqué de presse du 22 juillet 2013, le président du C.A.L de l’époque de­mande aux autorités com­pétentes, dans le cadre de l’austérité, « … à rechercher ailleurs que dans l’enseigne­ment les économies à réali­ser… » (acceptation de l’austérité) et, «… si cela n’est pas possible… » de ré­partir l’effort entre l’école privée et l’école publique !

Voilà pourquoi, quelques militants laïques ont fondé en juin 2013 le CLP-KVD (Cercle de Libre Pensée -Kring van het Vrije Denken) . Il est à préciser que ce cercle se veut bilingue.

Le CLP-VDK, mouvement jeune, atteste par sa présence à ce IVème Congrès qu’il désire s’inscrire dès le départ dans le cadre de l’AILP et de son combat pour la séparation des Églises et de l’État, pour que justice soit rendue aux victimes des Églises et pour la Libre Pen­sée.

Londres,  11 août 2014